carte_France_Saint_Die_des_VosgesLe poids des charges contraint des allocataires sociaux au revenu très modeste à un choix critique : payer le loyer ou le chauffage. S’ils ne paient pas leur facture d’électricité ou de gaz, l’énergie est coupée. S’ils ne paient pas leur loyer, ils ne peuvent être expulsés.

La SA HLM le Toit Vosgien est un bailleur social actif depuis les années 70 dans la région de Saint-Dié-des-Vosges. Son objectif est d’augmenter régulièrement son offre de nouveaux logements : il est mis à mal par les locataires qui ne paient pas leur loyer ...


Avec l’architecte Antoine Pagnoux et le thermicien, Vincent Pierré, Le Toit Vosgien mène une réflexion depuis les années 2000. Comment permettre aux locataires de disposer de ressources supplémentaires et, in fine, financer d’autres logements ?

Une solution : réduire significativement les charges, surtout la charge énergétique.

Un premier éco-projet voit le jour : Les toits de la Corvée, un ensemble de 22 maisons individuelles (conception en 2006-7; réalisation 2008-9).

 


Les contraintes

 

Toits_de_la_Corvee_implantationLa typologie retenue par le maître de l’ouvrage, celle de l’habitat 4 façades, est une sérieuse contrainte dans la recherche d’une indépendance énergétique : importante surface de parois par rapport au plancher, pas de possibilité de mutualiser les installations techniques, ...

D’autres paramètres viennent corser la difficulté : le terrain, avec une forte dénivelée (7 à 8 m) et une orientation peu favorable, les accès, le budget qui n’est pas extensible. Même pour améliorer les gains solaires passifs et augmenter les ressources financières, il est hors de question pour le Toit Vosgien de supprimer deux logements. Ce sont deux familles qui ne pourraient être accueillies.


Le climat de Saint-Dié est rude. La ville est située dans les montagnes, à 350-400 m d’altitude.

 


Le cahier des charges


Le Maître de l’ouvrage a une idée bien arrêtée de son projet, habitat individuel et densité, nous l’avons vu. Il veut aussi construire en brique.

ossature_bois_massifSi Antoine Pagnoux y répond, rien ne l’empêche de proposer d’autres approches dont une en ossature bois, une en bois massif, une en ossature bois avec isolation en paille, le tout accompagné d’une analyse budgétaire car il prend toujours en compte l’aspect économique dès l’esquisse.

De cette volonté initiale de construire en brique, le projet évolue vers une solution en bois massif avec une isolation par l’extérieur en ouate de cellulose : un système énergétique simple et cohérent.



L’indépendance énergétique

Architecte et thermicien adaptent le niveau de performance énergétique à la typologie et au contexte. Il n’en demeure pas moins que les besoins sont très faibles. Le logement sera chauffé par un poêle bouilleur de 8 kw positionné en son centre :

poele_bouilleur_en_position_centrale4 kw couvrent les 3,5 mois de chauffe (vu les caractéristiques du logement) et le solde est destiné à la production d’eau chaude sanitaire avec un complément par capteur thermique → soit 3 à 4 stères de bois par an, une flambée par jour en période hivernale. Dans une région de forêts, se procurer du bois de chauffage est une réelle facilité pour les familles. Certaines iront le couper elles-mêmes : un père avec son fils, un grand-père pour sa petite-fille. Des liens familiaux se tissent, un vrai acte social naît de la nature de ce projet.

8 kw, c’est peu ! Trouver sur le marché un poêle aussi petit n’a pas été évident. Et puis, il faudra aussi demander une dérogation à la réglementation pour laquelle il est inimaginable de se chauffer uniquement avec un poêle à bûches ... Pourtant, c’est « proposer à des gens, qui ne sont pas nécessairement avertis, les moyens d’être concernés avec une offre économiquement avantageuse », nous dit l’architecte, une incitation douce à consommer bien.

Leur client est inquiet : « Un poêle, vous êtes sûrs que c’est suffisant ? Pas de radiateur ? ». « Oui ! », répondent-ils de concert, calculs à l’appui. D’autant plus sûrs qu’ils ont une réputation à défendre. Leur potentiel commercial est local. Pour rassurer le maître de l’ouvrage, une prise électrique est placée en attente dans la cloison de la salle de bain. Un audit ultérieur révèlera qu’elle ne sera jamais utilisée !

Il n’est pas non plus exclu que l’occupant pour une raison quelconque ne puisse alimenter son poêle (perte de mobilité, âge, ...). Une sécurité existe. Une batterie électrique sur la ventilation double flux avec un système de sonde prend le relai. Au niveau du coût, cette hypothèse, la pire en termes de consommation énergétique, apparaît dans la colonne rouge du tableau ci-dessous.

 tableau_comparatif_couts_des_consommations_energetiques


Le chantier

chantier_Toits_de_la_CorveeAvec ce système constructif, l’enveloppe est la plus simple possible : une structure de bois massif (CLT de marque KLH) posée sur un soubassement béton supporte un doublage de 20 cm d’ouate de cellulose en caisson avec une finition en tuile ou en enduit là où la terre cuite se révèlerait trop fragile. La toiture est isolée avec 35 cm cellulose. Le bois reste apparent en intérieur, créant une ambiance chaleureuse. A priori, le système ne demande pas de compétence particulière et il est reproductible.

Ce chantier, c’est, pour l’architecte, une première expérience avec le bois massif et, pour les entreprises, avec l’étanchéité à l’air. De plus, cette grande préfabrication était peu courante à l’époque. Les entreprises font offre normalement sans prendre conscience de la différence.

habitations_Toits_de_la_CorveePas de panique ! L’architecte a prévu la réalisation d’un prototype pour que chaque intervenant puisse comprendre comment cela allait se passer. Finalement, l’étanchéité à l’air se réalise très rapidement et facilement.

A suivre ...


Sources : « 48H pour être passif », journée de conférences dans le cadre du projet Greenov, organisée par le Cluster Eco-construction, 22/05/2014, Beez - Compte rendu des présentations de :
- Antoine Pagnoux, Architecte, ASP Architecture, asparchitecture.fr
- Vincent Pierré, Thermicien, Terranergie Vosges
Source des illustrations : présentation de l’Architecte Antoine Pagnoux