Logement_collectif_renovation_tres_basse_energie_Schaerbeek_ AMA_Philippe_Abrl_ArchitecteOui, c’est une question provocante mais néanmoins pertinente en ces temps où le monde de la construction évolue énormément.

Tentons de faire le point.

Quel est le contexte actuel ? 

  • Les dispositions légales 

Les prévisions actuelles des normes en matière de constructions neuves fixent le standard passif en 2018 pour la région wallonne et, déjà en 2015, pour la région de Bruxelles.

En 2021, le « zéro énergie » voire « le positif » devrait être la norme. Quel programme !

Actuellement le niveau d’énergie primaire que les nouvelles constructions peuvent consommer est fixé à 130 KWh/m² /an (=Espec) ce qui fixe le niveau Ew à 80.

Cela représente depuis le 1er septembre 2011 (entrée en vigueur PEB 3ème phase) une économie de 20% par rapport aux logements soumis au décret PEB 2ème phase (permis d’urbanisme demandé entre mai 2010 et août 2011).

L’effort commence à se faire sentir sur le plan de l’énergie… des constructions neuves (mais aussi les rénovations vastes et lourdes)

Quant aux ventes et/ou locations de l’immobilier existant, des modifications non négligeables sont également survenues. Chaque transaction doit maintenant être accompagnée d’un document spécifique, le CPE (Certificat de Performance Energétique), aussi appelé parfois certificat PEB. 

En cas de vente, ce document DOIT être joint à l’acte notarié. En cas d’absence du CPE, la vente n’aura pas lieu car elle serait illégale et, par voie de conséquence, de nullité, avec toutes des conséquences juridiques dommageables pour les acteurs (vendeur, acheteur et notaire). 

Pour les locations, il en va de même. Chaque location devra être réalisée en présence d’un CPE. Les agences immobilières doivent déjà respecter cette disposition.

En ce qui concerne les locations réalisées directement du propriétaire au locataire, vu l’absence d’intermédiaire (contraint au respect des lois), on doit s’attendre, par contre, à des applications plus variables des dispositions légales. Pour ce cas précis, la bonne information des candidats locataires et/ou bailleurs sera prépondérante.

Les tribunaux compétents en matière de conflit locataire/bailleur durant un bail illégal (c’est à dire non couvert par CPE), devront probablement faire face à des situations « poétiques » et difficiles à gérer en termes de jugements justes et équitables.  

  • Le marché de l’immobilier 

Vu les exigences croissantes et de plus en plus contraignantes en construction neuve, les prix augmentent peu à peu (voir plus loin les effets pervers technologiques), mais la raréfaction des terrains, la démographie, l’augmentation des ménages de plus petite taille, le coût des énergies, l’augmentation des salaires sont là les vrais facteurs d’augmentation des prix.  Nous sommes en économie de marchés ouverts dont la croissance doit être permanente… 

Compte tenu de ces facteurs, le marché du bâtiment s’oriente naturellement vers la rénovation, la rénovation lourde, avec changement d’affectation tels les lofts très en vogues, reconditionnement, réhabilitation. Ces deux dernières catégories bénéficient encore d’un régime de faveur en matière de PEB un peu plus light. 

Vu l’augmentation des prix du neuf, les candidats constructeurs essayent également de compenser le coût  de la construction/rénovation par des stratégies financières personnalisées : auto-construction, matériaux innovants et économiques, étalement des travaux dans le temps, crédits hypothécaires plus longs, ... 

En très résumé donc, peu à peu ces dernières années le marché de la construction neuve a perdu de la croissance au profit de la rénovation (rapport CCW 2010). La tendance est perceptible même si l’on constate des variations entre les provinces et régions. 

Plus personne n’ignore que l’économie déteste l’incertitude, or notre petit monde du bâtiment se transforme en profondeur et nous fait avancer en terrain vierge

Sur le plan technologique c’est formidable.
Par contre, sur le plan économique c’est quelque peu perturbant.

Ce qui était vrai en matière immobilière il y a peu, ne l’est plus forcément maintenant  vu les nouvelles exigences thermiques en vigueur. Les logements existants se voient reculer brutalement d’un coup dans le classement qualitatif et la valeur immobilière suit le mouvement. 

Une certitude demeure. L’immobilier est depuis bien longtemps un refuge pour investisseur

Par contre, le secteur immobilier prévoit un marché moins homogène. Les familles sont de plus en plus hétérogènes, monoparentales, recomposées, les jeunes vivent également de plus en plus longtemps chez leurs parents, voilà quelques facteurs non exhaustifs. On sait également les villes en expansion et cette tendance augmentera à l’avenir. L’image même du logement traditionnel risque d’être modifiée, mais sans certitude sur les proportions … 

  • L’économie européenne

Les perspectives économiques de l’immobilier européen seront assez faibles pour 2012. ING economic research (rapport ING d’octobre 2011) prévoit une croissance nulle…ou presque. 

En Belgique, l’immobilier est une valeur refuge et il le restera, même compte tenu de ces profondes modifications. Le nombre de logements belges est largement insuffisant à l’heure actuelle et, comme les agglomérations urbaines, cette tendance ne fera qu’augmenter. 

  • Les facteurs écologiques et environnementaux 

Alors voilà, face à  toutes ces données économiques variables, comment va évoluer le marché de la construction compte tenu des récentes normes PEB, de la prise de conscience progressive par les candidats bâtisseurs de ce qu’est la « construction durable », avec ses nombreux nouveaux matériaux qui inondent le marché, les labels de toute sorte … parfois autoproclamés par les fabricants eux-mêmes ? 

Face à ce grand flou écologique mais néanmoins bien réel, il semble que le marché s’oriente de plus en plus vers « le naturel ». Cette tendance risque fort bien de nous mener loin dans le raisonnement micro et macro énergétique. Le « bo-bo-bio » ne fait que commencer !

La conception d’une construction sera de plus en plus élaborée et pensée à l’avenir en termes d’énergie grise des matériaux. Récemment, la Plateforme Maison Passive (PMP) a inauguré son logiciel « ACV.be » qui mesure le niveau de consommation d’énergie grise d’un projet compte tenu des choix de matériaux. Aurait-on imaginé cela il y a vingt ans ? 

Ce constat est bien révélateur des changements qui s’opèrent pour le moment dans le secteur du bâtiment à l’échelle européenne. Les facteurs énergétique et écologique se conjuguent pour impacter durablement notre façon de vivre et par voie de conséquence nos techniques constructives. 

On compare souvent le secteur du bâtiment avec celui de l’industrie.
Il y a pourtant de moins en moins de points communs entre eux !
 

Actuellement, il n’y a pas d’équivalent au bâtiment en terme d’effort énergétique. Le secteur de la construction a, de plus, une marge de progression plus intéressante que le secteur automobile, limité.

- Nous allons vers des constructions à énergie positives, les véhicules même les plus économes en énergie en consommeront toujours.

- Notre industrie de fabrication de matériaux bâtiment est de plus en plus « éco », le secteur automobile est quant à lui, fondé sur la pétrochimie…  

  • L’effet rebond et les effets pervers technologiques

On le sait tous, chaque mesure a des effets bénéfiques mais également des effets pervers indésirables.

Sur le plan énergétique, il est constaté depuis bien longtemps que les effets positifs consécutifs à la réalisation d’investissement en matière d’économie d’énergie sont toujours amoindris par le comportement humain. En clair, la perspective même de pouvoir faire des économies, génère inconsciemment des augmentations… étonnantes mais malheureusement bien réelles.

On peut illustrer cet effet rebond par des constats qui nous entourent : les panneaux photovoltaïques qui alimentent le chauffage d’une piscine découverte, une voiture plus économe mais que l’on se permet d’utiliser bien plus (puisqu’elle est particulièrement économe on peut rouler plus… chouette !). Au regard de ces deux exemples on constate que les consommations énergétiques seront augmentées alors que l’idée de départ était de les diminuer !

Sur le plan purement technologique, on peut tous le constater lorsque nous recevons d’un artisan un devis, le tarif des prestations techniques augmente d’année en année. Si de plus nous avons le « malheur » de demander une prestation sortant un peu de l’ordinaire, on  peut s’attendre à un coup de fusil…

L’explication est pourtant simple. Outre le prix des matériaux et équipements, l’artisan ne désire pas courir le risque de travailler à perte et il prend ses précautions en remettant un prix plus élevé lorsque la prestation lui est moins familière.

Ce point précis relève d’une certaine méconnaissance technologique.

A suivre ...