altEn raison de la faiblesse des taux d'intérêt et grâce aux mesures d'aide fiscale, le prix des logements a augmenté de 4,5 % en 2010, le nombre de crédits-logement, de 21,4 %. En marge de Batibouw, quatre spécialistes commentent leurs prévisions pour le secteur.

D'après une étude du think tank Itinera, entre 2005 et 2009, les logements les moins chers ont augmenté de 51 % en Belgique, contre 23 % seulement pour les plus onéreux. Par ailleurs, le nombre de nouveaux ménages croît chaque année de 50.000 unités suite à la migration externe et à la baisse structurelle des nouvelles constructions, tandis que les revenus et les taux d'intérêt restent relativement stables.

A l'occasion de Batibouw, MoneyTalk a demandé à quatre spécialistes de s'exprimer sur l'avenir du secteur de la construction. Il s'agit de Marc Dillen (directeur général de la Confédération flamande de la construction), Xavier Mertens (administrateur délégué de Home Invest Belgium), Jan Romain (directeur marketing chez Immotheker) et Eric Verbeeck (président de l'Union professionnelle du secteur immobilier).

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Comment le secteur immobilier réagit-il à cette évolution ?

XAVIER MERTENS : Il ne faut pas oublier qu'à l'échelle internationale, les prix du logement en Belgique sont en réalité très bas. Intrinsèquement, notre marché immobilier est resté sain et le secteur n'a pas souffert de la crise du crédit, ou très peu. Nous sommes en revanche confrontés à une pénurie de terrains à bâtir, par la faute de l'inertie politique. C'est pourquoi la construction doit adopter une approche plus écologique. Il est fini, le temps du « chacun sa maison, chacun son jardin ». La solution se situe dans une plus grande densité du logement dans les villes et les centres des villages. Pourquoi ne pas construire davantage en hauteur ? Je ne parle pas de gratte-ciel mais dans les villes, on devrait pouvoir passer des deux ou trois étages construits, qui sont actuellement la norme, à quatre ou cinq.

JAN ROMAIN : Contrairement aux États-Unis et aux autres États membres de l'Union européenne, comme l'Irlande, l'Espagne et les Pays-Bas, les prix du logement en Belgique continuent d'augmenter, ne serait-ce que parce que le marché y est structurellement sain. Les mesures d'aide fiscale et la faiblesse des taux d'intérêt expliquent que nous ayons échappé à une bulle immobilière. Et que nous ayons pu récupérer la petite perte de 2009. L'an dernier, nous avons même assisté à une augmentation du nombre de crédits-logement. D'une part, parce qu'après la crise, de nombreux investisseurs ont fui le marché des actions au profit de l'immobilier, d'autre part, parce que beaucoup de projets de logement ont démarré anticipativement en raison de l'environnement de taux favorable et de la fin des incitants fiscaux.

MARC DILLEN : Malheureusement, le gouvernement a décidé de ne pas prolonger le taux réduit de TVA cette année. On a donc enregistré une hausse du nombre de demandes de permis de bâtir. Les crédits octroyés sur l'année ont porté sur non moins de 26 milliards d'euros. Le carnet de commandes des entrepreneurs est donc bien rempli mais nous craignons pour l'avenir, si les pouvoirs publics n'adaptent pas leur politique. Heureusement, les taux d'intérêt restent bas et le candidat-bâtisseur garde son assurance revenu garanti comme protection en cas de perte d'emploi. Il est malgré tout nécessaire de prolonger le taux réduit de TVA, qui booste le secteur du parachèvement et fait un pied-de-nez au circuit au noir. Qui plus est, il décourage les bricoleurs, au profit de l'effet-retour pour le Trésor public. Il convient néanmoins de trouver une solution pour la réglementation européenne, qui n'autorise plus que deux taux distincts sur le prix total. Les tranches jusqu'à 50 000 euros sont donc interdites.

ERIC VERBEECK : Nous aurons un retour de manivelle en 2011. La nouvelle règle en matière de TVA sur les terrains à bâtir va faire monter en flèche le prix du logement. Qui plus est, les opérateurs ne proposent pas suffisamment de produits pour répondre à la demande actuelle de logements d'insertion et de logements budget. Le secteur va donc devoir s'adapter.

Quels seront les principaux défis pour le secteur de l'immobilier ?

XAVIER MERTENS : Après une période d'euphorie marquée par des taux d'intérêt exceptionnellement bas, entre 2004 et 2007, puis deux années de légère correction entre 2008 et 2010, le marché est à nouveau stable. À moyen terme, le facteur démographique - la croissance de la population et la baisse du nombre de personnes par unité de logement (réduction de la taille des ménages) - et l'urbanisation seront les moteurs du secteur de la construction et de l'immobilier. Nous devrons aussi réfléchir à la question du logement social et du logement abordable, car les besoins s'annoncent importants. Les pouvoirs publics n'auront pas les moyens de résoudre seuls ce problème. Ils devront faire appel au secteur privé, dans le cadre de partenariats public-privé.

MARC DILLEN : Le secteur privé devrait avoir davantage de possibilités de proposer des logements bon marché. Les besoins en bâtiments, tant résidentiels qu'industriels, sont en augmentation. Le défi consiste à faire en sorte que les projets restent payables. La part du secteur de la construction dans le produit intérieur brut (PIB) augmente progressivement car à terme, l'isolation réduira à un minimum les coûts énergétiques. Pour ce faire, nous avons besoin du soutien du secteur bancaire. Les prêts verts sont un premier pas dans la bonne direction. Tant le maître d'ouvrage que l'entrepreneur et l'institution qui finance doivent être convaincus de n'opter désormais que pour des constructions durables. Cela vaut tout particulièrement pour l'habitat accompagné pour les personnes de plus de 80 ans.

JAN ROMAIN : L'immobilier reste le meilleur investissement pour le particulier. Si on regarde l'évolution des crédits-logement - l'apport personnel, les revenus et la durée du prêt -, avoir son propre logement demeure payable. Mais on approche des limites. Les coûts indirects pour le propriétaire sont souvent sous-estimés. C'est pourquoi nous en appelons à une planification financière, pour éviter des surprises désagréables par la suite. Le Belge ne peut pas être « broyé» par sa maison.

ERIC VERBEECK : Mon plus grand rêve serait que le secteur public devienne la première industrie de location du pays. Le privé fournirait le « hardware » : développement, financement, construction et entretien, les pouvoirs publics loueraient les logements (le « software ») pour garantir les revenus pour les investisseurs. Cela entraînerait un véritable bouleversement du secteur social.

 

sources: Trends.be - Propos recueillis par Eric Pompen, MoneyTalk - 28/02/2011