learn button - mit newsPour Peter Senge, professeur au MIT Sloan School of Management, le grand défi du XXIe siècle pour les entreprises est de devenir des organisations apprenantes.
Les structures traditionnelles semblent en effet peiner à prendre en considération la complexité de notre environnement pour l’intégrer de manière réellement efficiente dans les processus de décision.

 

Les logiques « prévision-contrôle » qui prévalent encore largement aujourd’hui amènent les entreprises à préparer un plan d’action, à déterminer les indicateurs qui permettront de détecter si l’action a correctement été menée à son terme et prévoit des boucles de rétroaction pour éventuellement modifier le plan d’action après évaluation. Ce modèle qui s’est répandu sur l’ensemble de la planète au XXe siècle a donné entière satisfaction pour le pilotage d’un nombre important d’entreprises dans des domaines variés. Il semble toutefois que cette dernière décennie, il s’essouffle un peu et semble montrer ses lacunes face à la rapidité du transfert d’informations et à la complexification croissante du monde.
Cette difficulté à prévoir le monde entraine un renforcement du second pilier : le contrôle. Pour le dire simplement, au plus c’est complexe, au plus il faut saucissonner la procédure et augmenter les contrôles dans le déroulement de celle-ci. Renforcer le contrôle et toutefois peiner à sortir un plan d’action efficace comporte un coût énorme pour notre société. Les travailleurs se sentent vulnérables, déconnectés des instances dirigeantes et impuissants à modifier le statu quo. Ils finissent par ne plus faire remonter que des problèmes (sans piste de solution) puis à ne plus rien faire remonter, le contrôle atteint alors son paroxysme.
Cet état de fait pas très encourageant a ainsi amené des chercheurs et des entreprises à trouver d’autres manières de faire pour sortir de la spirale délétère.
Des auteurs comme Margaret Wheatley étudie ainsi la capacité des entreprises à s’auto-organiser et développe des schémas beaucoup plus « organiques » de l’entreprise dont les sous-composantes peuvent être envisagées comme les cellules qui composent un être humain, semi-autonomes mais interconnectées.
Des entreprises comme google ont développé ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le googlisme. C’est à dire de permettre à ses employés d’être porteurs de projet durant 1/5ème du temps et de fédérer autour de celui-ci une équipe qui n’existe pas dans les organigrammes.
Brian Robertson, en 2001, a une intuition du même ordre qu’il applique à son entreprise de développement de software. En 2006, face aux résultats engrangés par son entreprise, le Wall Street Journal lui consacre un article. Aujourd’hui, Brian Robertson a théorisé ses conceptions et les a réunies sous le vocable « holacracy » : holacratie. (holon en grec signifie à la fois le tout mais aussi une entité faisant partie d’un tout encore plus vaste, cratos : le pouvoir).
Pour Robertson, une entreprise holacratique est une entreprise qui se recentre sur sa raison d’être, ce pour quoi elle est faite. Elle met en place des mécanismes lui permettant de bénéficier de la sagesse collective et envisage chacun de ses travailleurs comme étant un capteur, un senseur susceptible d’émettre des signaux.
Bernard Marie Chiquet qui est l’un des ardents promoteur de la théorie en France prend l’exemple suivant : Lorsque vous êtes en réunion et que 10-12 personnes y prennent part, ce sont toujours les deux-trois mêmes personnes qui monopolisent 95% du temps de parole. Certains d’entre eux se retrouveront dans des réunions de « rang » supérieur où le même mécanisme sera observé. Est-ce à dire que ceux qui se sont tu ou ceux qui auront peu parlé n’avait rien à dire de pertinent ?
Comment amener une structure à bénéficier de ces avis non dits ? De cette sagesse collective?
La réponse holacratique est de créer des cercles autonomes interconnectés. Chaque cercle ayant un rôle et des « redevabilités ». Les redevabilités ce sont ce qu’ils doivent faire, c’est la raison d’être du groupe. 
Afin de coordonner son action, chaque cercle dispose de trois outils : la réunion de gouvernance, la réunion tactique et la réunion debout. Le cycle des réunions crée naturellement son harmonique. Les réunions de gouvernance sont toutefois d’un cycle long (de l’ordre du mois), les réunions tactiques plutôt hebdomadaire et les réunions debout, journalières. Elles ont chacune une fonction. Les questions de fond ne sont donc pas abordées en réunion tactique mais renvoyées à l’ordre du jour de la réunion de gouvernance. Les réunions debout ne durent que maximum 15 minutes, elles permettent au cercle de définir, au plus près de l’action, où en est-on ? que faisons-nous ? quels sont les problèmes ? Les solutions adoptées ne sont pas les meilleures (celles dont il faudrait encore réunir les conditions d’existence) mais au contraire, celles qui peuvent être prises de suite pour ne pas pénaliser l’action.
Cette méthodologie permet d’assurer le « pilotage dynamique » des actions développées par les cercles en rectifiant les réglages du moteur tandis que celui-ci est en train de tourner. Le modèle développé par Robertson permet donc de mener l’action à son terme même si, au moment du lancement de l’étape 1, on ne pouvait avoir de vision claire de l’étape 2. Ce qui est diamétralement opposé aux logiques prévision-contrôle. 
Ces réflexions sont en train de voir le jour dans la sphère professionnelle qui est désormais convaincue que le management de l’intelligence collective est une piste sérieuse permettant d’offrir des réponses aux problèmes rencontrés aujourd’hui et de restaurer dans le chef des travailleurs le sentiment de prendre part à un effort collectif. Parmi les outils contribuant au développement de ces logiques contributives, les outils collaboratifs en ligne tiennent une place de choix. Ils sont en train de se développer dans le monde des entreprises dont certaines font déjà le pari de diminuer la prévision-contrôle au profit d’un pilotage plus dynamique.