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Black_Country  Borinage_by_Constantin_MeunierTous les experts sont unanimes, le sous-sol de Wallonie bouge, parfois peu, parfois plus. Les incidents sont mal connus du grand public sauf lorsque la gravité leur confère un caractère médiatique. Ils sont plusieurs villages à en avoir fait les frais : Wasseiges, Saint-Vaast, ... Le suspense, l'affolement des victimes attirent irrésistiblement et font frissonner le lecteur.

S'est-il seulement posé la question : Et chez moi ?


Un peu d'histoire

La géologie de la Wallonie est très variée. Son sous-sol offre une grande diversité de richesses, allant de la houille aux minerais métalliques et de fer, en passant par les craies, le phosphate, les ardoises,... L'industrie (mines de charbon, de fer, ...) et l'agriculture (marnières, ...) y ont trouvé de multiples ressources, exploitées en surface mais surtout en souterrain. La conséquence ? Des puits et des cavités qui abondent dans notre sol-sol, autant de zones à risques, avec des vides francs ou des zones déconsolidées.
Les industries se sont implantées au plus près des ressources (matières premières, eau) et des voies de communication. L'habitat s'est développé autour de ces usines, jusqu'à créer des villes importantes et des ensembles densément peuplés. Le sillon Haine-Sambre-Meuse en est un bel exemple, à forte population sur un sous-sol potentiellement instable.

Indépendamment de l'action anthropique, le sous-sol peut aussi être à l'origine de phénomènes naturels générant des cavités ou des zones déconsolidées telles les zones karstiques (30% du territoire), pour lesquelles des phénomènes ont été recensés dans plus de la moitié des communes wallonnes.

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La gestion des infiltrations d'eau

L'eau est à l'origine de la plupart des désordres. Des zones déconsolidées peuvent rester stables pendant des années. Un afflux d'eau soudain ou une infiltration sournoise mettent en péril ce fragile équilibre. Laisser s'écouler librement une descente d'eau de pluie dans un jardin pourrait ne pas être anodin. Lorsque les premiers symptômes de désordre apparaissent, ils sont le plus souvent ignorés ... jusqu'à la catastrophe.

Inondation, pluies abondantes, coup d'eau, infiltration, rupture ou déchaussement de canalisation, rejets clandestins ou non, ... provoquent des lessivage, dissolution, ennoyage, surpression, ... L'importance de la gestion de ces infiltrations d'eau a été plusieurs fois rappelée au cours du colloque.

La cartographie

Boussu-Bois_Mine_St_Antoine_BB_0025_by_Mario_AgrilloLa bonne connaissance du sous-sol est une première étape de la prévention. La cartographie n'en reste pas moins difficile car la mémoire de l'homme est courte. Les anciens emportent avec eux les traces des exploitations passées. Souvenez-vous de l'expérience lilloise !

La cartographie est régulièrement mise à jour, alimentée principalement par :

  • l'exploitation des dossiers administratifs et des dépôts de plans réglementaires;
  • des recherches historiques et des travaux universitaires : consultation d'anciens documents commerciaux actes notariaux, archives, cartes, atlas, publications diverses ...
  • les retraits de concession minière qui permettent de valider le cadastre des anciens puits et des galeries d'exhaure ;
  • les interventions sur des mouvements de terrain ou des effondrements qui remettent au jour des données oubliées sur d'anciennes exploitations souterraines. Il n'existe malheureusement pas de cartographie systématique antérieure à 1802 pour les mines et 1935 pour les carrières souterraines;
  • la surveillance de certains sites ;
  • les travaux publics ou privés dont les fouilles de chantier participent également aux découvertes ;
  • des conventions passées avec d'autres organismes tels que le CWEPSS, l'ISSeP, ...

L'intervention spontanée des particuliers est très rare car ils sont peu sensibilisés à la problématique. Un œil plus averti repérera de suite des indices qui leur échappent souvent (alignement de trous en surface, fonte de neige, ...). Une campagne de sensibilisation et de collecte de données va être lancée prochainement auprès des communes et du grand public.

L'objectif est de pouvoir optimiser la connaissance de ces anciennes exploitations et de ces phénomènes karstiques pour mettre à disposition du public et des autorités une information de qualité.

La réglementation

L'outil réglementaire est la deuxième étape de la prévention.

Tout un travail d'évaluation de ces menaces d'origine naturelle ou anthropique est en cours sur les zones concernées connues. Cette évaluation sera traduite sous la forme d'une cartographie des aléas.

Si l'aléa dépasse un certain seuil, faut-il encore autoriser la construction de bâtiments ? L'acheteur d'un terrain ou d'un bâtiment n'aura-t-il pas le droit d'être informé ? Le parc immobilier existant, lui, est déjà largement construit sur des zones à risques. Une situation à gérer.

Actuellement, la Direction des Risques industriels, géologiques et miniers peut déjà être sollicitée pour information (Service géologique de Wallonie) et pour avis (Cellule mines pour les anciennes exploitations souterraines, DGO4, Direction de l'Aménagement régional pour le karst, les glissements de terrain et les éboulements de parois rocheuses). La DRIGM remet son avis dans les 30 jours, 15 pour les informations, un délai très court. L'information est disponible sur l'application cartographique "hématiques Sous-sol" du SGW (geologie.wallonie.be). La démarche du demandeur reste spontanée. Le support technique de l'administration et ses recommandations n'ont rien de contraignant. Voilà qui pourrait changer très prochainement avec le CoDT.

A suivre ...


Sources : Colloque "Effondrements et affaissements du sol, la Wallonie vous accompagne", organisé par le Département de l'Environnement et de l'Eau de Wallonie,La Marlagne (Wépion), 03/04/2014, geologie.wallonie.be
- « Introduction », Benoît Lorent, Conseiller Cellule Environnement représentant du Ministre wallon de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire, de la Mobilité
- « Le paysage souterrain à risque en Wallonie – Prise de conscience et objectifs du colloque », Emmanuel Lheureux, Directeur, Direction des Risques industriels, géologiques et miniers, DG03-SGW
- « La base d'une politique de prévention : cartographie et définition des aléas », Ali Kheffi, Ingénieur Attaché, ISSeP
- « Karst - L'effondrement au Trou d'Avignon – Viroinval », Georges Michel, géographe, CWEPSS
- « Quelques actions concrètes en cours de réalisation », Daniel Pacyna, Ingénieur Attaché, Service géologie de Wallonie (DGO3 - SGW)
Source des illustrations :
- « Pays noir – Borinage », Constantin Meunier, Musée Meunier (Bruxelles), domaine public, commons.wikimedia.org
- « Carte d'occupation du sol de Wallonie (Région wallonne) », Cellule État de l'environnement wallon : Tableau de bord de l'environnement wallon 2008, SPW-DGARNE(DGO3)-DEMNA-DEE, Creative Commons Attribution-Share Alike 1.0 Generic license, commons.wikimedia.org
- « Borne sur la dalle de béton scellant le puits de la mine Saint Antoine à Boussu-Bois Saint Charles exploitée par la société de l'Ouest de Mons. Le puits faisait 1250 mètres de profondeur et a été fermé en 1961.» (travail personnel), Mario Agrillo, 11/11/2010, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic, commons.wikimedia.org
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