Même s’il est surprenant d’encore lire aujourd’hui un article sur le gazon artificiel, Livios en a récemment rappelé les atouts. Il est présenté comme perméable, beau, sain, inoffensif, financièrement intéressant et ne demande pas d’entretien. L’argumentation tient la route. 

Régulièrement, des courriels promotionnels arrivent dans notre boîte mail pour ce type de produit. S’il peut présenter un réel intérêt dans des situations particulières où une végétalisation du sol est impossible telles que terrasse, pont de bateau, … faut-il pour autant le privilégier là où les deux solutions sont envisageables ?

Interrogeons-vous sur son potentiel en tant que biotope … Il est bien loin de celui de l’herbe vivante.

Tout n’est pourtant pas rose au pays des pelouses. La canicule sévit. Tout se dessèche. Ni vertes, ni roses, les voici devenues tristement brunâtres et même prêtes à s’enflammer à la moindre étincelle. Qu’à cela ne tienne, les Américains, jamais à court d’idées, les repeignent pour rendre au paysage et, surtout, à leur devanture, toute son esthétique tonicité. Ailleurs, l’arrosage des terrains de golf a provoqué l’émoi cet été sur les réseaux sociaux. Difficile d’être une pelouse heureuse ! D’autant plus que certains vous diront que la diversité biologique au sein d’un gazon anglais et ras n’a rien d’extraordinaire.

Que faire ?

Pelouse factice et jardin minéral ont en commun un écosystème pauvre et peu diversifié. En Allemagne, le Land du Bade-Wurtemberg a même légiféré pour convertir les « jardins de pierre » et autres espaces bétonnés en espaces plus verts : place à l’herbe, aux fleurs et aux arbres, un changement dont les bienfaits se sont rapidement fait sentir.

Chez nous et depuis deux ans, Le Vif a lancé une opération « En mai, tonte à l’arrêt » qui propose aux lames belliqueuses d’épargner pendant quelques mois des m² de tapis verts. Elle a rencontré un succès croissant et sera très probablement reconduite l’année prochaine.

La tendance nous propose même le jardin punk … un espace végétal en-dehors des règles éminemment très culturelles d’aménagement paysager. Osez le jardin qui s’encanaille ! Sortez des sentiers battus, libérez la végétation avec les interventions juste nécessaires à ne pas rendre inextricables les espaces naturels nouvellement éclos. Ouvrez des yeux étonnés sur la richesse écologique que vous allez y trouver.

Dans de grandes villes les herbes dites “mauvaises” (d’autres préféreront “folles”) font leur réapparition sur les trottoirs. Une tolérance nouvelle pour cette végétation spontanée. Cette courageuse ripopée fait le jeu des botanistes (amateurs ou non) qui prennent plaisir à les identifier et le signaler, voire de développement d’applications dédiées comme « Sauvage de ma rue », celle de Vigie-Nature, un observatoire participatif. Quelle diversité inattendue ! L’intérêt ne s’arrête pas là, il intervient également en termes de confort hygrothermique.  

La problématique des « îlots de chaleur urbains » est un sujet récurrent, surtout en été. Augmenter la présence de végétation fait partie des solutions non seulement au niveau thermique mais également dans la gestion des flux d’eau.

Le besoin en (vraie) végétalisation est tel que les façades elles aussi verdissent.

Les 5e façades suscitent même toutes les convoitises … sur les toitures, une rivalité s’installe entre les plantations (pour l’agrément ou la production) et les installations techniques.

La verdurisation des villes devient désormais un incontournable des stratégies urbanistiques. Multifactorielle, elle génère des impacts en termes économiques et sociaux et ce, de façon plus ou moins bénéfique.

  • La valeur des biens augmente avec un risque de gentrification, notamment dans des zones considérées comme défavorisées, un point sur lequel il convient d’être vigilant.
  • Les indicateurs santé et bien-être des habitants voient leurs scores améliorés.
  • La qualité de l’air augmente, la pollution sonore diminue.

Les îlots verts sont à la source de microclimats qui sont d’autant plus stables que leur surface est grande, même si la démultiplication de petits îlots peut aussi présenter un intérêt. Lorsqu’elle arrive à former des « corridors verts », elle élargit non seulement des effets bénéfiques de la zone source mais elle facilite la circulation de la faune et des végétaux. Lorsqu’ils sont accessibles au public, ces corridors verts constituent d’agréables lieux de promenade dans un environnement urbanisé.

La situation n’en demeure pas moins extrêmement complexe puisqu’elle est liée à la situation géographique des lieux, leur topographie, au type de végétation, au mode d’urbanisation (hauteur, largeur des rues, orientation, orthogonalité, circulation des flux d’air, de véhicules, matériaux, ensoleillement, ...). Un exemple ? Même si elles sont toutes deux bordées de bâtiments hauts, le comportement thermique d’une large avenue arborée sera différent de celui d’une rue étroite. Sous un climat chaud, l’ombrage généré par l’étroitesse des rues, qui limite la surchauffe, sera recherché. Une seule certitude … le défi est de taille !

Les scientifiques ne cessent de développer des solutions originales comme le concept de ces murs végétaux imprimés en 3D d’une université américaine (Virginie). La terre qui sert à l’impression est déjà ensemencée de graines d’orpin. Un peu d’humidité et les voici couverts de plantules. 

Les architectes et urbanistes ne sont pas en reste.

Au Sud-Est de l’Espagne, à Cehegín (Murcie), après 60 ans de déshérence, un quartier dont les bâtiments se sont effondrés lors d’une tempête a été converti en un immense jardin. Véritable poumon vert de la ville, ses rôles sont multiples :

  • Les eaux pluviales y sont récupérées. Un parcours de filtration avec un réseau d’étangs assure l’épuration des eaux usées. L’ensemble des eaux, un bien précieux dans la région, est réutilisé pour de l’irrigation.
  • Un bâtiment au toit verduré se dissimule dans le jardin et y accueille une « pépinière » d’entreprises.
  • Un réseau de sentiers, calqué sur les anciens chemins, offre aux promeneurs une ambiance agréable.
  • Des emplois locaux ont été générés par les travaux et la main d’œuvre locale a été privilégiée pour l’entretien du site.

Et vous ? Quelle pelouse, quel jardin, quelle urbanisation, préférez-vous ?  

 

 

Sources :
- « 5 idées reçues sur le gazon artificiel », Rédaction Livios, 18/08/2022, www.livios.be
- « Climat : cette nouvelle loi allemande interdit les jardins de pierre », 25/01/2021 (mis à jour le 24/02/2021), positivr.fr
- enmaitontealarret.be
- « Jardinage : et si on tentait le jardin punk ? », RTBF La Première, 20/12/2021, www.rtbf.be
- « Faut-il laisser les mauvaises herbes envahir les villes ? », 29/03/2022, www.demainlaville.com
- « Notre cinquième façade devient plus importante : « De véritables jardins verts sur le toit au lieu des toits-terrasses »», Rédaction Livios, 01/03/2021, www.livios.be
- « Strategic Green Spaces: How to Make the Most of their Cooling Effects », Maria-Cristina Florian, 18/09/22, www.archdaily.com
- « The Mysterious Story of the Garden that Makes Water / Cómo crear historias », Danae Santibañez, 06/04/2019, www.archdaily.com
- « Cette imprimante 3D intègre des graines pour créer des murs végétaux », Justine M., 21/09/2022, creapills.com  
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