Le spationaute français Thomas Pesquet fait le parallèle entre exploration spatiale et exploration sous-marine tant il est vrai que l’une et l’autre se font dans des conditions extrêmes et que les deux milieux réservent encore bien des surprises.

Au-delà de Muraka, la chambre d’une nuit de rêve, voyons ce que des scientifiques ont imaginé pour vivre et mener à bien leurs recherches sous l’eau.

Toujours plus profond

Au contraire des projets précédents situés de 5 à 10 m de profondeur, relativement proches des rivages, celui-ci vise l’eau profonde des plateaux continentaux, jusque 200 m de profondeur, un environnement considéré a priori comme inhospitalier. The Sentinel, présenté en 2023 par la société DEEP, s’annonce comme la combinaison de logements et d’un centre de recherche avec ses labos et ses postes d’observation de fonds marins.

Que l’on soit dans l’espace ou au fond de l’océan, ces idées un peu folles ont souvent beaucoup de points communs dont la modularité. Rappelez-vous les solutions pour la vie sur la lune. C’est encore le cas ici. Les habitations sont modulables, indépendantes les unes et des autres, un système flexible pour répondre aux besoins des différentes missions.

L’objectif d’un tel projet est non seulement d’améliorer l’étude des fonds marins grâce à des séjours prolongés dans la station tout en garantissant aux chercheurs des conditions de (sur)vie plus confortables que dans les traditionnels submersibles ou les simples plongées. Les installations pourraient les accueillir en immersion jusqu’à 28 jours consécutifs en autonomie (énergie, traitement des déchets, communication, pressurisation, oxygène, …).

Des partenaires de pointe, beaucoup d’heures de travail et de la technologie seront encore nécessaires avant qu’une telle construction soit opérationnelle. Toutefois, DEEP a bien l’intention de mettre en service un habitat sous-marin ouvert au public d'ici 2027.

 

Un peu avant

Dans le même ordre d’idée mais moins profond (18 m), le designer suisse Yves Behar a présenté Proteus en 2020, un projet de centre de recherche immergé initié par le Centre de recherche océanique Fabien Cousteau (FCOLC), pour Fabien Cousteau Ocean Learning Center). Tout comme DEEP, il se réfère à un « équivalent océanique de la Station spatiale internationale ».

Yves Behar et Fabien Cousteau sont bien conscients de la complexité du sujet. Ce dernier, dont le séjour immergé le plus long est de 31 jours dans le laboratoire Aquarius sur la côte floridienne, en a connu toutes les vicissitudes : inconfort des installations, absence de lumière naturelle, humidité, restriction de mouvement, isolement social/promiscuité, …

L’équipe aux commandes de Proteus aspire à d’indispensables améliorations. La conception même de l’ensemble veut y apporter des réponses à travers les deux plateaux circulaires reliés par une rampe et émaillés de bulbilles en saillie sur la façade contenant, entre autres, des laboratoires, des salles de bains et des espaces de repos.

  • La forme même du bâtiment est propice aux interactions sociales.
  • Un décalage et une inclinaison entre les deux anneaux laissent pénétrer la lumière naturelle.
  • Les circulations et la rampe offrent la possibilité d’exercer une activité physique.
  • Les surfaces individuelles sont prévues en suffisance et aménagées confortablement.
  • Les zones de travail dites humides sont bien distinctes des zones de vie.
  • La station sera même équipée d’une serre qui permettraient aux occupants de produire leur propre nourriture.

En 2020, le designer estimait à 3 ans la construction et la mise en place de la station. En mai 2023, un article de Futura Sciences faisait état de 2026. Construire un tel centre sous-marin constitue encore aujourd’hui un réel défi.

 

A vos casseroles !

Alors que Proteus prévoit de s’installer près de Curaçao, une île des Caraïbes et que DEEP fait des essais dans une carrière inondée à Gloucester en Angleterre, la société italienne Ocean Reef a créé le « Jardin de Nemo », un concept de serre sphérique immergée. Dans les neuf serres déjà en place le long des côtes italiennes à 6-10 m de profondeur, les chercheurs expérimentent la production de légumes et de plantes aromatiques sous l’eau. Les bulles sont réalisées en plastique rigide, remplies d’air et équipées de bacs de culture remplis de substrat.

Pourquoi se lancer dans une telle technique, a priori plus complexe que la culture terrestre ? La société met les arguments suivants en avant :

  • La stabilité thermique : les différences de températures sont extrêmement faibles comparées à celles que l’on rencontre en aérien, tout bénéfice pour les plantes qui ne souffrent pas.
  • L’isolement : si les substrats n’ont pas été contaminés, les plantes sont protégées des maladies et des parasites, il n’est donc pas (ou moins) nécessaire de les traiter.
  • L’arrosage par condensation : l’eau de mer devient douce en se condensant sur les parois. Elle retombe sur les plantes, il n’est donc pas nécessaire de la dessaliniser pour l’arrosage, un avantage très appréciable et surtout économique, notamment pour les pays ou les zones en bord de mer/d’océan où sévit la sécheresse.
  • La luminosité : la lumière de surface est filtrée par l’eau. Les plantes sont protégées des surexpositions/brûlures et attirées vers le haut.
  • La croissance : le bilan global est positif et la croissance des plantes optimisée.
  • La saveur : la teneur en huiles essentielles des plantes, notamment aromatiques, serait supérieure, ce qui en exalte l’agrément.

Les serres sont déjà commercialisées et ont trouvé un marché à l’international. Au-delà d’un article très positif, se pose la question de la durée de vie des sphères, de l’installation et la maintenance, de la culture et la récolte, de l’investissement et du ROI, … Le projet est-il anecdotique ou une porte ouverte sur le futur ? Il n’en constitue pas moins un premier pas pour les projets plus complexes de villes et de stations de recherches immergées.

 

D’une sphère à l’autre

A Ocean Spiral, des espaces seront aussi consacrés à la recherche scientifique, des laboratoires et autres lieux d’étude. Mais ce projet de la société d’ingénierie japonaise Shimizu Corporation va bien au-delà car dans sa globalité, il se veut une ville immergée. A l’heure actuelle, le projet tient plus de la science-fiction.

Sera-t-il un jour construit, pourra-t-il seulement l’être ? Les concepteurs l’ont imaginé sous la forme d’une sphère de 500 mètres de diamètre avec une capacité d’accueil de 4 à 5 000 personnes. Son ancrage, en profondeur (entre 1.500 m et 4.000 m) à une station de base, prend la forme d’une longue rampe hélicoïdale et est renforcé par des câbles.

Elle puiserait ses ressources dans son environnement (eau potable par dessalement de l’eau de mer, énergie renouvelable à partir des différences thermiques en fonction de la profondeur ou encore conversion du dioxyde de carbone en méthane, nourriture via des fermes sous-marines, …). Ce petit clip du concept est plus parlant que les mots.

 

 

What else ?

Un lit, une table, une serre, un laboratoire, une ville, … Que pourrait-on encore bien mettre dans l’océan ? Un musée ? Du stockage de CO2 ? Des data centers ? L’idée a fait son chemin et des essais ont été réalisés par Microsoft notamment et ce, depuis plusieurs années.

Dans cette curation (qui est loin d'être exhaustive), nous avons aussi trouvé un parking pour vélos à Amsterdam.

 

Le temps de rédiger les articles, d’autres projets apparaissent.

 

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Lire aussi

 

 

Sources :
- « DEEP underwater habitat with submarines builds research labs and livable homes on seabed », Matthew Burgos, 11/09/23, www.designboom.com
- « New DEEP sea underwater habitat announced », Mark 'Crowley' Russell, 05/09/2023, divemagazine.com
www.deep.com
- « Proteus is an underwater habitat with a greenhouse designed by Yves Behar », India Block, 22/07/ 2020, www.dezeen.com
- « Proteus : la station spatiale sous-marine de Fabien Cousteau », Sylvain Biget, 08/05/2023, www.futura-sciences.com
- « En Italie, cette entreprise fait pousser des légumes sous la mer », Lisa Guinot, 13/10/2023, positivr.fr
- oceanreefgroup.com
- « Ocean Spiral is a conceptual city proposed beneath the surface of the ocean », Sebastian Jordahn, 06/11/2017, www.dezeen.com
- « Et si on immergeait les data centers dans les océans ? », 12/06/2018, www.batiactu.com
- « Une infrastructure cyclable sous-marine pour la gare d'Amsterdam Central », Betty Owoo, 13/11/ 2023, www.circubuild.be
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