balle_de_golf_rouge1. Introduction

La vision des couleurs résulte habituellement de l’impact de rayons lumineux sur les cellules sensibles de la rétine. Mais la sensation de couleur peut être créée également sans lumière, les yeux fermés, par le rêve, sous l’influence de drogues, …

La lumière n’est donc pas essentielle pour créer la sensation de couleur. La production d’une sensation de couleur indique que la perception des couleurs est un phénomène propre au cerveau. 

Les lumières diffèrent par leur composition spectrale et les objets par leur capacité à réfléchir la lumière en fonction de la longueur d’onde.

Qu’est ce que la colorimétrie ? C’est mesurer quantitativement et définir avec précision ce qui stimule la sensation de couleur : la lumière émise par une source et avec les modifications qu’elle subit lors des interactions avec les matériaux jusqu’à son absorption par les cellules sensibles de la rétine.

Pourquoi la balle de golf ci-dessus est-elle rouge ?

Nous allons tenter, dans ce court article, d’y répondre.

 

2. Les trois acteurs de la colorimétrie

2.1. Sources de lumière

Dès 1730 Newton mit en évidence la décomposition de la lumière blanche. Lorsque la lumière blanche traverse le système dispersif d’un prisme, elle est décomposée en différentes couleurs reconstituant l’arc-en-ciel.

La lumière visible s’étend de 400 à 700 nm. Les sources de lumière comme le soleil ou une lampe à incandescence sont des sources continues car elles contiennent l’ensemble des longueurs d’onde du visible mais diffèrent par la quantité relative d’énergie émise à chaque longueur d’onde c’est-à-dire par la distribution d’énergie E(λ). Certaines sources de lumière sont discontinues comme une lampe à vapeur de mercure.

Distributions_spectrales_de_l’energie_relative_de_differents_illuminants

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La lumière se caractérise aussi par son intensité lumineuse exprimée en candela (cd). Afin que les professionnels de la couleur puissent avoir une base commune, la Commission Internationale de l’Eclairage (CIE) a défini des lumières fictives représentatives des éclairages couramment utilisés : ce sont les illuminants. Ils se caractérisent par des courbes d’énergie spectrale normalisées. Ainsi il existe plusieurs types d’illuminants correspondants à différentes sources de lumières et utilisés pour calculer la couleur dans des conditions d’éclairage différents. Citons les illuminants A, B, C, D55, D65 et D75. Un des plus employés est l’illuminant D65, en jaune dans la figure 1.  

2.2. Objets.

La couleur n’est pas une caractéristique propre à l’objet. Le paramètre intervenant dans la sensation de couleur est sa courbe de réflectance R(λ) dans le domaine visible, c’est-à-dire la fraction de la lumière incidente, qui à chaque longueur d’onde est réfléchie par l’objet vers l’œil de l’observateur.

L’ensemble des valeurs de R(λ) donne la courbe de réflectance caractéristique de l’objet. En fait, la courbe de réflectance représente la manière dont un objet transforme la distribution d’énergie E(λ) de la source qui l’éclaire en une distribution d’énergie E’(λ) de la lumière qu’il renvoie vers l’observateur. Un objet a donc des couleurs différentes en fonction des sources lumineuses qui l’éclairent. Les interactions de la lumière avec un objet sont complexes et dépendent des caractéristiques de l’interface air-objet et de la nature du matériau qui doivent être considérés comme un milieu hétérogène. Lorsqu’une lumière incidente arrive à la surface d’un objet, elle se sépare en plusieurs parties : la réflexion spéculaire, la réflexion interne et externe diffuse, l’absorption et la réfraction comme indiqué dans la figure 2.

Propagation_d’un_rayon_lumineux-a-travers_un_materiau_pigmente

 

 

 

 

 

 

 

 

La réflexion spéculaire est la fraction de la lumière incidente qui ne pénètre pas dans le matériau ; cette lumière réfléchie a donc la même couleur que la lumière incidente. C’est cette lumière ne subissant pas d’absorption sélective qui détermine le caractère plus ou moins brillant de l’objet. La majeure partie de la lumière incidente pénètre dans le matériau et rencontre les nombreuses particules pigmentaires qui le composent. Sur chaque surface pigmentaire se produit une nouvelle réflexion et du fait de ces réflexions multiples, la lumière se propage à travers tout le matériau et rejoindra la surface sous des angles quelconques pour donner une lumière diffuse. La couleur du matériau est créée par l’absorption sélective de certaines longueurs d’onde de la lumière incidente par les pigments. Ainsi par exemple, un pigment rouge absorbe surtout les plus petites longueurs d’onde (bleu) et laisse passer les longueurs d’onde supérieures à 600 nm. Un objet est donc caractérisé par sa courbe de réflectance. La figure 3 présente la réflectance d’un objet rouge exprimée en pour cent en fonction de la longueur d’onde.

Courbe_de_reflectance_d’un_objet_rouge_(RAL_3020)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lorsque le matériau comporte peu de particules absorbant ou diffusant la lumière incidente, on observe une transmission à travers toute son épaisseur (cas de vernis), ou une transmission diffuse (cas translucide).

 

2.3. L’observateur.

En 1802, Thomas Young formule la loi de la théorie trichromatique selon laquelle l’œil possède des éléments sensibles à seulement 3 couleurs : le bleu, le vert et le rouge.

L’homme voit en couleur grâce à la rétine, située sur la face postérieure de l’œil. La rétine se compose de deux feuillets : la couche pigmentaire externe et la couche nerveuse interne. Une zone optique comporte des cellules sensorielles photosensibles de deux types : les cellules à bâtonnets qui sont des récepteurs du clair et du sombre et les cellules à cônes. Trois types de cônes existent et comportent des pigments spécifiques, chacun possédant une absorption de la lumière uniquement dans une certaine bande de longueur d’onde. Les premiers sont sensibles au bleu, les deuxièmes au vert et les troisièmes au rouge. Notre œil contient environ 6 millions de petits cônes surtout des verts et des rouges.

En 1931 la CIE a quantifié la réponse d’un « œil moyen » aux différentes longueurs d’onde de la lumière par une étude statistique sur une large population. La CIE a standardisé les fonctions x, y et z représentant la sensibilité des récepteurs d’un observateur standard sous un angle solide de 2 degrés (en 1931) ou 10 degré (en 1964). Les valeurs tristimulus de l’observateur standard sont représentées à la figure 4.

Valeurs_tristimulus_de_l’observateur_standard_CIE_1931

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3. La spectrophotométrie

Un spectrophotomètre permet d’enregistrer, longueur d’onde par longueur d’onde, la fraction de lumière réfléchie par un objet, en comparant l’intensité du signal réfléchi à l’intensité de la lumière incidente.

La lumière réfléchie étant renvoyée dans toutes les directions, elle doit être captée dans une sphère d’intégration ayant en surface un revêtement blanc parfaitement diffusant de telle façon que l’ensemble de la lumière réfléchie parvienne au détecteur. Le spectrophotomètre fournit donc la courbe de réflectance caractéristique de l’objet. Pour des objets colorés par des pigments métallisés ou nacrés, la réflexion de la lumière ne se produit plus uniformément dans toutes les directions. Ces pigments, par leur structure, possèdent des comportements optiques particuliers qui privilégient la réflexion de certaines longueurs d’onde dans des directions préférentielles. Pour ces objets, il est indispensable de pouvoir relever plusieurs courbes de réflectance à différents angles en faisant varier la position du détecteur ou l’inclinaison de l’échantillon : les mesures sont obtenues par des spectrogoniomètres.

 

4. Les coordonnées de couleur

Les couleurs peuvent être décrites par trois caractéristiques : la luminosité (ou clarté), la teinte et la saturation (ou pureté).

La luminosité permet de situer les couleurs des plus claires aux plus foncées sur un axe allant du noir au blanc. La teinte est la caractéristique qui est exprimée par des mots tels que jaune, rouge, vert, orange, mauve, pourpre, … La saturation correspond à l’intensité de la couleur, allant du gris (neutre) vers la couleur vive. N’importe quelle couleur peut donc être définie sans équivoque par sa position dans un espace de couleurs à 3 dimensions. Les trois coordonnées de base sont les valeurs tristimulus X, Y, Z qui décrivent la perception par un observateur standard de la couleur d’un objet sous un illuminant donné. Elles sont obtenues par intégration sur toutes les longueurs d’onde du produit des trois courbes représentant l’illuminant, l’objet et l’observateur comme indiqué ci-dessous dans le système de trois équations à trois inconnues.
 EMBED_equation


Différents espaces à 3 dimensions ont été créés à partir de transformations mathématiques des valeurs X, Y et Z. Dans le domaine des peintures, le système CIEL*a*b est le plus répandu (voir figure 5). La coordonnée L* est calculée à partir de la valeur Y et représente la luminosité. La chromaticité est définie par la coordonnée a* sur un axe vert-rouge et par la coordonnée b* sur un axe bleu-jaune.

Système_CIEL*a*b*

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5. Les écarts de couleur

Tout autant que pour les couleurs, il est primordial de pouvoir quantifier les différences de couleur qui sont données par les distances entre points représentant les couleurs dans l’espace tridimensionnel choisi.

Dans l’espace CIEL*a*b*, la différence totale de couleur ΔE entre un échantillon et un standard ou une couleur de référence est calculée par la formule :

formule

 


Si la valeur ΔE permet de chiffrer un écart de couleur, le jugement visuel de la différence de couleur est souvent très dépendant de la couleur même.

 

6. La métamérie

L’origine de la métamérie réside dans le fait que deux objets de même couleur ont des courbes de réflectance différentes, ce qui se présente toujours lorsque les pigments qui les composent sont différents.

En effet, des objets dont les courbes de réflectance sont différentes peuvent renvoyer des signaux identiques lorsqu’ils sont éclairés par une source lumineuse particulière ; ils auront donc une même couleur. Mais illuminés par une autre source de lumière, les signaux seront différents puisque la composition spectrale de chaque illuminant est différente. L’écart de couleur engendré par ce phénomène s’appelle « indice de métamérie ».

 

7. Conclusions

Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Ces dernières en tous cas se mesurent avec une précision bien plus élevée que la limite de sensibilité de l’œil.

Pour beaucoup d’objet, la couleur est une marque de qualité importante, voire déterminante, et sa mesure permet d’introduire un contrôle objectif au niveau industriel.

Rappelons que la géométrie de mesure, ainsi que l’observateur et l’illuminant standards choisis pour des tolérances ou des valeurs données sont des informations primordiales pour pouvoir communiquer avec le monde de la couleur.

 

Hugues L. Dedeurwaerder

Chargé de mission pédagogique
Centre de Compétence PIGMENTS

Conseiller Principal
CoRI – Coatings Research Institute