Ou « comment payer deux fois le coût de son installation en 10 ans » ?
Pour bien comprendre le mécanisme, nous allons prendre l’exemple d’une installation de 5 KWc qui produirait 5000 kWh (les chiffres sont grossièrement arrondis, ce qui importe ici, c’est la logique financière sous-jacente).
Imaginons que vous n’ayez pas le montant à investir.
Vous vous adressez à votre organisme bancaire pour contracter, à votre nom, un emprunt de 15.000€. Montant que vous versez à l'intermédiaire qui se charge de trouver le sous-traitant qui réalisera pour vous les travaux.
Bien sûr, l’entreprise s’engage à financer l’emprunt en approvisionnant le compte servant à en supporter la charge. Imaginons un remboursement de 160€/mois sur 120 périodes (coût réel : 19.200€)
Fort bien, mais cette entreprise n’étant pas philanthropique, vous allez vous engager, d’une part à lui rétrocéder l’avantage fiscal lié à l’opération et la totalité des certificats verts sur une période de 10 ans (=durée maximale). Soit, environ 6.000€ d’avantage fiscal [1] et, sur 10 ans, 27.000€ liés à la revente des certificats verts (22.500€* à partir du 1er septembre 2012). Nous avons pris le prix plancher garanti du certificat vert (65€) pour nos calculs.
Votre installation vous aura donc coûté in fine (10 ans) entre 33.000 et 28.500€* (soit respectivement 172 à 148% du coût de financement de l’opération). L’intermédiaire aura lui financé 19.200€, il lui reste donc entre 13.800 et 9.300€ (toujours avec un CV à 65€) pour absorber ses coûts et prendre sa marge, qui, vous le concèderez, reste plantureuse…
Après dix années de ce régime, vous êtes pleinement propriétaire d’une installation en fin de vie (qui aura la charge du démontage/recyclage des panneaux?). Le seul avantage étant que vous n’aurez pas eu à assumer la charge administrative de votre dossier et aurez bénéficié d’une diminution de votre facture énergétique de l’ordre de 1.000€/an (pour un logement moyen). Que vous auriez de toute façon obtenue en gérant le dossier vous-même.
En cas de faillite de l’intermédiaire, vous devrez assumer pleinement la charge de l’emprunt, la revente des certificats verts[2] pour constater que finalement, ce n’est pas si compliqué et qu’il est nettement préférable de faire les bénéfices de l’opération soi-même !
Si vous aviez financé en cash l’opération en payant directement l’intermédiaire, vous auriez augmenté son chiffre d’affaires de 4200€. A la suite de tels montages, n'est-il pas normal que ces mécanismes fassent l'objet de mesures correctrices? Cela dit, le mécanisme en lui-même est intéressant et pourrait -pourquoi pas- donner des idées aux états en le faisant "tourner" dans une visée nettement moins mercantile, plus distributive et davantage orientée par des préoccupations écologiques.
*A partir du 1er avril 2012, le nombre de certificats verts sera octroyé dégressivement d’année en année (10/9/8/7… par MWh), à partir du 1er septembre 2012, le nombre de certificats verts octroyé sera encore revu à la baisse (8/7/6/… par MWh)
notes et références:
[1] Depuis la suppression des avantages fiscaux, ces intermédiaires augmentent les coûts de l'opération de la rémunération de leur service. Il devient de plus en plus criant que le photovoltaïque gratuit ne l'est pas vraiment. Ces intermédiaires sont d'ailleurs désormais frileux quant à l'utilisation de cet argument de vente pour le moins spécieux. Faire porter le risque sur le client, ponctionner les avantages et in fine, ne pas assumer la fin du cycle de vie du projet (démontage, recyclage) est-ce réellement une relation gagnant-gagnant ou un emballage chatoyant qui se voudrait transparent. La transparence n'exigerait-elle pas de mutualiser les risques, les dépenses et les recettes sur les deux partenaires, de manière équitable?
Enfin, une dernière petite question, ces entreprises s'inscrivent-elles réellement dans le développement durable? se soucient-elles de la sphère environnementale, de l'humain et enfin, de l'économie. Si au niveau de l'argumentaire, la démarche est "écologique" (et financière). Cela a-t-il du sens de ne pas se préoccuper de la fin de cycle de vie du projet? Cela a-t-il du sens d'engager du personnel en masse pour signer un maximum de contrats avant l'échéance fatidique pour ensuite s'en défaire. Cela est-il durable? A chacun d'apporter ses réponses pour approcher d'un peu plus près la culture de ces entreprises.
[2] Test achat s'interroge néanmoins sur l'éventualité d'une aliénation pure et simple du bénéfice des certificats verts qui seraient englobés dans les avoirs de l'entreprise faillie.
Sources:
Budget & Droit n°217, juillet-août 2011
Energie4, théma: énergie solaire: l'aventure ne fait que commencer, SPW, décembre 2011.
Consulté également ce 22 décembre 2011:
http://www.renove-electric.be/suppression-primes-et-deductions-fiscales-73.html
http://www.energreen.be/fr/energreen/news/certificats-verts-photovoltaiques-wallonie
Voir également, une interview télévisée du responsable d'Alma Terra (fournisseur de photovoltaïque gratuit) (placez le curseur à la 35ème minute)