Plus souvent évoqué comme une nuisance dans la construction (mérule & consorts), le champignon redore son blason avec les recherches sur les biomatériaux.

L’idée n’est pas nouvelle mais la presse professionnelle en fait état de plus en plus souvent.

 Épuration des eaux, collages durables, emballages, … il peut être utilisé sous plusieurs formes :

  • le mycélium (filaments constituant la plante proprement dite, vulgairement assimilés aux 'racines' des champignons), directement cultivé sur un substrat, éventuellement issu de filières de récupération;
  • le chitosane (composé présent dans la paroi des champignons), récupéré dans les déchets industriels de transformation du champignon.

Et si cette transformation exploite des déchets pour produire des matériaux biosourcés … ne sommes-nous pas dans de l’économie circulaire ? Décidément, le champignon a tout pour plaire !

Quelques expériences dans la construction

En Inde, des ingénieurs indiens et italiens ont associés leurs connaissances pour produire un pavillon éphémère, Shell Mycelium. Cette solution innovante pourrait trouver un débouché dans l’événementiel. Elle se présente comme une structure, formée de triangles en bois, garnie de fibres de noix de coco et ensemencée. Le mycélium s’y développe jusqu’à en constituer le revêtement tout en fusionnant littéralement avec le cadre. La fibre, qui a séché avec le temps, assure une certaine protection à l’ensemble. Cette construction vivante présente des propriétés parfaitement écologiques. Ne retourne-t-elle pas tout droit à la nature après usage ?

Dans cet autre exemple, MycoTree, le mycélium constitue directement la structure portante. Elle a été mise au point en Suisse et présentée, cette année, à la Biennale d’architecture et d’urbanisme de Séoul. Les entrelacs de mycélium, visibles dans la vidéo ci-dessous, se présentent sous forme d’éléments préfabriqués bloqués à leurs extrémités par des plaques de bambou et assemblés par chevillage. Même si les capacités portantes du matériau peuvent paraître faibles, tout l’intérêt réside dans la recherche au niveau des méthodes d’assemblages qui lui permettent une reprise de charge en compression.

La réaction est initiée à partir d’un substrat et de spores. Alors que le mycélium commence à former une masse dense et spongieuse, il est placé dans un moule. Il y continue son développement pour donner la forme souhaitée et produit en fin de cycle une peau épaisse qui le protège. Le processus est arrêté par déshydratation. Le bloc est prêt. L’objectif de cette expérience est de montrer qu’il existe des méthodes de construction alternatives quand l’audace des créateurs les pousse à explorer des matériaux différents.
La digitalisation intervient également dans l’étude. Les blocs et la structure ont été conçus à partir d’un programme de digitalisation en 3D qui a permis d’en déterminer très précisément la géométrie.

Le troisième exemple est un grand classique, c’est la brique en champignons, enfin plutôt en mycélium. Elle tire son origine des recherches en matériaux biosourcés d’un designer Californien, Phill Ross. En 2009, il a lancé Mycotecture et son unité de recherche et fabrication, la société MycoWorks. L’élément a la forme d’une brique. Il s’obtient en cultivant du mycélium sur un substrat en fibres naturelles et déchets organiques dans un moule parallélépipédique. Une fois le moule rempli et la densité atteinte, la pièce est séchée pendant une semaine puis cuite. Cette vidéo (en anglais) en présente le principe de fabrication.

La cuisson confère à cette brique organique, ultra-légère, d’excellentes caractéristiques techniques (résistance, absorption des impacts,…). Le matériau est intéressant car il est ininflammable, biodégradable et n’émet aucun COV. Il convient parfaitement pour un usage intérieur (mobilier, cloison, …). Par contre, sa durée de fabrication est considérée comme longue. Mais tout dépend du matériau de référence : béton ou bois ! La question se pose toutefois de son comportement dans le temps. MycoWorks continue ses recherches. Et bientôt, pourrions-nous imaginer des maisons qui grandissent naturellement dans leur propre moule ?

Cette solution a fait des émules comme Ecovative Design, une société américaine spécialisée dans les biomatériaux à base de champignons et qui, avec une autre recette de fabrication, a d'abord orienté sa recherche sur des panneaux d’isolation puis a préféré développer une imitation de textile et une alternative au polystyrène d'emballage.

Le dernier exemple sera celui de Sebastian Cox et Ninela Ivanova, le premier est designer, la seconde chercheuse. Ils ont travaillé de concert au projet Mycelium + Timber qui a pour ambition de créer des objets usuels pour la maison, tels que des lampes et un tabouret, à partir de mycélium. Ces objets ont été présentés pendant le London Design Festival en septembre.

 

 

Sources :
- « De nouveaux floculants biosourcés pour le traitement de l’eau », Clément Guyot, 29/04/2013, www.science-allemagne.fr
- « Des colles biosourcées pour un collage vert », Philippe Michaud et Michel Grédiac (Professeurs appartenant à l’Institut Pascal de l’Université Blaise Pascal), Jean-Denis Mathias (Chargé de Recherche au CEMAGREF), 30/01/2012, www.univ-bpclermont.fr
- « Le Champignon est-il le matériau du futur ? », L aurane Bindelle, Matias Ranwez Van Elst, 12/04/2017 16:30 (mise à jour 13/04/2017 11:04), www.levif.be
- « Fungus used to build arching pavilion in Kerala », Amy Frearson, 26/08/2017, www.dezeen.com
- « Tree-shaped structure shows how mushroom roots could be used to create buildings », Amy Frearson, 04/09/2017, www.dezeen.com
- « Et si on construisait des maisons en briques de champignons ? », G.N., 15/12/2015 17:34, www.batiactu.com
- « La Mycotecture : La brique champignon de Phill Ross », Mélanie Martin , 30/11/2016, lepaveblog.com
- « Des maisons en champignon », 16/11/2015 16:17 (mise à jour 24/10/2016 18:04), sites.arte.tv
- « Mushroom mycelium used to create suede-like furniture by Sebastian Cox and Ninela Ivanova », Amy Frearson, 20/09/2017, www.dezeen.com
Source de la photo utilisée à titre d’illustration : pixabay.com (CC0 Public Domain - Libre pour usage commercial - Pas d'attribution requise). Son utilisation n'engage en rien l'auteur sur un soutien ou un entérinement éventuel du contenu de l'article.