Tout capitaine d’industrie sensible à l’avenir de la planète et à l’optimisation de ses activités opérationnelles finira par évoquer la question de la chaleur fatale.

Passe-t-elle en pertes et profits dans son processus de fabrication ? Quel intérêt de la récupérer ?

 

Jean-Benoît Verbeke, Facilitateur énergie, nous en apprend plus sur le sujet. 

La chaleur fatale se présente sous deux formes

  • l’énergie thermique perdue lors de la transformation en énergie mécanique (thermo-dynamique). La perte de rendement correspond à la partie d’énergie fatale ;
  • la chaleur émise lors d’une réaction exothermique, comme la chaleur de la réaction de la soude et de l’eau ou la très connue combustion.

Première étape

Comme pour les déchets, la meilleure solution appliquée à la chaleur fatale reste le principe « Avant d’essayer de la valoriser, essayons de ne pas en produire. ». Comment ?

  • L’analyse régulière des processus de production industrielle optimise l’efficacité énergétique. Par exemple, ne pas prolonger le séjour d’un matériau dans un four alors que les performances attendues sont atteintes ;
  • L’isolation thermique diminue les pertes : isoler les vannes, les conduites, …

Le contrôle de ces pertes est une première source de valorisation de cette chaleur fatale.

Deuxième étape

Si il n’y a pas d’alternative et que le processus débouche sur la production de chaleur fatale, deux pistes restent possibles :

  • perdre la chaleur fatale. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette attitude qui pourrait sembler irresponsable dans le contexte actuel, peut se révéler inévitable. Monsieur Verbeke nous expliquera pourquoi.
  • récupérer la chaleur fatale. Le choix de ces entreprises s’inscrit dans une démarche durable et globale (social – économique – environnemental).

Pour qu’un projet de récupération fatale fonctionne, il doit absolument remplir différentes conditions. Elles sont au nombre de 5 : température, débit, simultanéité, proximité, fiabilité.

→ Température et débit

La récupération de la chaleur fatale sera d’autant plus efficace que la température est élevée mais sans un débit minimum ce n’est pas suffisant. Lorsque l’on récupère la chaleur des gaz de combustion dans une cheminée, par exemple, voir s’afficher 600° sur l’écran de la sonde de température n’aura aucune utilité s’il n’y a pas suffisamment de passage de fumée. Le débit dans la cheminée doit être suffisant. On a parfois tendance à l’oublier.
Monsieur Verbeke de cite le cas de très hautes cheminées avec une température de fumée élevée, mais dont le four est tellement peu étanche que l’importance des fuites rend le projet caduque.

→ Simultanéité

Le deuxième critère qui participe à la réussite du projet est la simultanéité entre la production et la demande. Ce n’est pas tout d’avoir beaucoup de chaleur disponible encore faut-il pouvoir l’utiliser. L’exemple les plus courant est celui de la chaleur récupérée pour se chauffer en hiver. Mais si le procédé fonctionne toute l’année, que faire de cette chaleur en été ? La synchronisation est indispensable pour la rentabilité de la récupération de la chaleur fatale.
Le préchauffage de l’air de combustion est un exemple de synchronisation capable d’assurer une belle rentabilité au projet, c’est une excellente utilisation.

→ Proximité

La notion de distance intervient toujours dans l’évaluation de la performance du projet. En effet, la chaleur se transporte difficilement, d’autant plus difficilement que le fluide est gazeux par rapport à un fluide liquide. Compenser les pertes issues du transport est un frein économique à sa récupération. Plus la distance à parcourir est grande, plus le frein est puissant.

→ Fiabilité

Le dernier point est la fiabilité ou la continuité de la source. Pour pouvoir récupérer la chaleur fatale, la source doit être abondante, bon marché et constante. Si ces 3 points ne sont pas rencontrés, il faudra inévitablement investir dans de nouveaux équipements ou faire des backup pour compenser l’indisponibilité de la source. Ces solutions complémentaires mais obligatoires grèvent lourdement les résultats de la récupération de la chaleur fatale.

Si ces quatre conditions ne sont pas remplies, les projets n’atteignent pas le seuil de rentabilité et la chaleur fatale est perdue.

Différentes industries les rencontrent et passent aux applications concrètes.

La production du souffre, du méthanol, de la pâte à papier, … induit l’émission de chaleur fatale à haute température et ce, dans les conditions pour sa récupération. Elle est utilisée, par exemple, pour faire de la vapeur et de l’électricité (turbine gaz vapeur).

La récupération à basse température est notamment en corollaire des techniques de production de froid. La chaleur fatale des frigos de supermarchés, par exemple, peut être récupérée pour le chauffage du bâtiment en saison froide et la production d’eau chaude (pour ne pas être perdue en été). En production brassicole, la chaleur fatale du moût est utilisée pour préchauffer l’eau du brassin suivant. Dans l’industrie agro-alimentaire, la chaleur des dernières eaux de lavage est récupérée pour préchauffer les premières …

Dans les entreprises, la récupération de la chaleur fatale à très basse température (30-40°) commence à voir le jour en parallèle avec le développement de pompes à chaleur haute température, une technique qui pourrait très bien s’appliquer au résidentiel dans le futur.

 

 

Source : « La récupération de la chaleur fatale – Tour d’horizon des solutions pour l’industrie », Jean-Benoît Verbeke (Pirotech SPRL), Facilitateur énergie pour l’Industrie wallonne, 18/10/2018, Salon Energie & Habitat, Namur
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