Kiirunavaara September 2017- Arild Vågen - Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International licence

Kiruna. Ville minière par excellence, sa vie est intimement liée à l’exploitation d’une mine de fer de grande valeur : production considérable d'un minerais très pur (80 000 tonnes/jour). La mine d’abord aérienne a plongé dans les entrailles de la terre en 1965. L’exploitation en sous-sol provoque d’irréversibles désordres en surface. Or le filon passe sous le centre-ville, à 2 km de profondeur. En 2004, le verdict a été sans appel. Avec la progression du front de taille, ces quartiers seront condamnés.

Que faire ?

Dans une région aux conditions climatiques extrêmes, au nord du cercle polaire arctique, où seul vivait un peuple d’éleveurs, les Samis, Kiruna est devenue un moteur incontournable de l’économie jusqu’au niveau national… à un point tel que mettre en balance les revenus miniers actuels et futurs (au moins jusque 2035) et l’avenir de la ville n’a même aucun sens. L’existence des habitants est pour la plupart d’entre eux inféodée à la mine. Ces travailleurs et leurs familles, il faut bien les loger quelque part.

La solution retenue est d’abandonner le centre de la ville et reconstruire ailleurs les quartiers menacés. Accompagnée des autorités publiques, la LKAP, société gestionnaire de la mine, met en œuvre une politique simple.

  • Les propriétaires peuvent faire racheter leur bien avec une prime additionnelle de 25 % par rapport à la valeur du marché s’ils souhaitent s’occuper eux-mêmes de la recherche d’un nouveau logement.
  • Pour les autres, c’est un échange standard avec une autre habitation à quelques kilomètres. Et s’ils sont locataires, la proposition est la même, à loyer bloqué.

Reste que le centre-ville abrite aussi des bâtiments publiques à forte valeur symbolique, historique et émotionnelle : l’horloge, l’église, … Seront-ils purement et simplement démolis ?

Non !

Vint-et-un d’entre eux seront déplacés pour permettre aux habitants de retrouver leurs marques.

L’église, construite entièrement en bois, sera démontée et déplacée. Des constructions, toujours en bois mais de gabarit plus modeste, seront transportées d’un seul tenant sur plateaux. Ce n’est pas la première fois que des bâtiments en bois sont déplacés sans être démontés. C’est d’ailleurs un des avantages de la construction légère sur le lourd où toutes les pièces doivent être numérotées et le bâtiment entièrement déconstruit avant d’être remonté.

Aussi beau soit-il, l’hôtel de ville historique, ayant déjà souffert de dommages importants tant dans sa partie en brique qu’en bois, ne sera pas conservé. Un nouveau bâtiment, circulaire, deviendra la véritable articulation du quartier.  De nouvelles constructions (hôtel, bureaux, commerces, écoles, piscine, …) s’y érige(ro)nt  pour lui insufller une dynamique toute neuve. Le voici, ci-dessous, en chantier, en 2017.

Kiruna-nya-stadshus-by-Jan-Ainali

Les travaux de ce vaste projet ont débuté, quant à eux, en 2014 et s’étaleront jusqu’en 2033 voire 35, selon les sources. A noter le soin apporté à la déconstruction des bâtiments condamnés dans la volonté de réutiliser une partie de leurs matériaux dans les nouvelles constructions.

Des études urbanistiques et consultations citoyennes ont fait de ce projet de longue haleine l’affaire de tous.

Aujourd’hui, le musée national d'architecture de Stockholm, ArkDes, y consacre une exposition : « Kiruna Forever » qui retrace cette épopée toujours en cours. Et rien ne dit qu’en 2035, il en faille recommencer !

Voici un petit reportage plein d'humour sur Kiruna, ses habitants, la mine et le déménagement (en anglais)

Que faut-il retenir de l’histoire ?

Nous ne reviendrons pas sur les intérêts conflictuels entre la vie agro-pastorale et l’exploitation minière ni sur les funestes dégâts environnementaux qu’elle occasionne, ce n’est pas l’objet de l’article. Si vous voulez en savoir plus sur le sujet, Arte a mis en ligne un excellent documentaire « Suède : Kiruna, la ville que la mine avale » (lien dans le titre). Il donne la parole aux Samis et présente le déménagement de façon plus neutre que les vidéos promotionnelles de la LKAP.

Certains points du projet ont retenu notre attention et ce sont eux que nous avons voulu pointer à travers l’article. Le dernier étant toujours le plus étonnant et l’avant-dernier est devenu un pilier de la politique de développement durable européenne :

  • le défi urbanistique et la participation citoyenne ;
  • la capacité de mettre en œuvre une politique sur une très longue durée ;
  • le choix du déplacement du coeur urbain et la création d’une nouvelle dynamique humaine et durable ;
  • la décision stratégique de déménagement de bâtiments existants plutôt qu’une démolition pure et simple ;
  • le recours à l’économie circulaire ;
  • la flexibilité des constructions en bois.

 

 

Sources :
- « This 125-year-old Swedish Town Has Relocated, Buildings and All », Molly Butcher, 23/05/2020, www.archdaily.com
- « Kiruna, la ville qui déménage, en trois questions », Nicolas Dufour, 03/03/2019, www.letemps.ch
- « Kiruna », fr.wikipedia.org
Source des photos utilisées à titre d’illustration :
- « Kiirunavaara September 2017 », Arild Vågen, (travail personnel), 03/09/2017 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International licence, commons.wikimedia.org
- « Kiruna nya stadshus », Jan Ainali (travail personnel), 02/09/2017, Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International licence, commons.wikimedia.org
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