La mutabilité donne l’opportunité d’une escale supplémentaire dans la vie d’un bâtiment. Cette stratégie intervient avant l’économie circulaire.

En quoi la démarche est-elle plus performante ?

Rendre, en tout ou en partie, un bâtiment démontable ou réversible en augmente la durée de vie.

L’économie circulaire est encouragée par l’Europe. Elle vise à récupérer un maximum de produits et matériaux lors d’une démolition ou d’une rénovation, que ce soit dans leur fonction initiale ou en reconversion. La démarche est intéressante car elle limite les déchets irréversibles. Parce que les bâtiments n’ont pas été pensés en terme d’évolution, c’est la solution la plus pertinente aujourd’hui.

Mais à l’échelle du temps, il existe un autre choix : anticiper, dès la conception, l’évolution d’un bâtiment. C’est la mutabilité ou la réversibilité, une option encore plus efficace qui tout (ou trop ?) doucement se fait connaître. Depuis quelques années, la presse professionnelle fait écho de l’une ou l’autre réalisation. Signe des temps, les majors de la promotion immobilière, comme Bouygues, s’y intéressent également.

Penser « réversible » exige une approche spécifique tant au niveau de la structure, des matériaux, de l’équipement ou encore de l’espace. Le bâtiment doit devenir démontable pour s'adapter au nouvel usage (ou emplacement) qui lui sera assigné. Attention au maillon faible. Des éléments tels qu’une hauteur de plafond ou une charge utile admissible peuvent compromettre tout un projet de reconversion.

  • En 2017, l’architecte français Patrick Rubin (Atelier Canal Architecture) a publié une réflexion sur la réversibilité : « Construire réversible », un travail collaboratif où se sont impliqués des architectes, designers, historiens, journalistes, graphistes, politiques, … dont la lecture est hautement recommandée. Il est consultable en pdf sur le site de l’Atelier Canal Architecture.
  • S’ils ne sont déjà parus, le CSTB travaille à la rédaction de guides pour aider les concepteurs dans la maîtrise des paramètres.

Une fois encore, le BIM sera un allié précieux de la démarche. La maquette numérique documentée de la conception à la construction de l’immeuble deviendra un auxiliaire de la métamorphose. A condition que des données soient triées et complétées. elle pourrait fournir un registre exploitable de tous les éléments, d'abord en réversibilité puis en économie circulaire, garantie de leur traçabilité, L'objectif final est d'émettre une " carte d'identité " pour accompagner ces éléments dans leurs nouveaux usages et ce, tout au long de leur vie.

 

Quelques exemples

Le premier projet que nous avons trouvé date de 2012. Il se situe à Delft (Pays-Bas). L’expérience a été tentée par l’agence d’architecture Cepezed sur le site d’un ancien musée très dégradé qu’elle a acquis.

Le credo de ces architectes est lumière et flexibilité. Un credo sur lequel ils s’appuient pour concevoir un immeuble de bureaux. Construits en 6 mois, ses 4000 m² répartis sur 4 étages se veulent entièrement démontables. L’espace est modulable selon les besoins des utilisateurs et, si nécessaire, totalement réversible (façades, structures, planchers, HVAC, …).

Vous trouverez plus d’infos sur le site www.detailsdarchitecture.com.

Le concept enthousiasme ses occupants comme le montre le tweet Triumph Studios qui y a emménagé en 2020.

 

Dezeen a consacré récemment un article (en anglais) aux projets réversibles que vous pouvez consulter via le lien du tweet. Il montre toute le potentiel de la démarche. En plus du (futur) classique bureaux-logements-services, vous y trouverez un observatoire, un pavillon, des stands d’exposition, un restaurant-brasserie. 

 

Retour en France, avec Lyon Confluence et son parcours d’expérimentation pour une ville plus durable. Bureaux d’architecture, promoteurs et concepteurs s’y essaient à la mutabilité pour assurer la pérennité de leurs projets, des réalisations qui visent la mixité et la durée.

 

 

Aujourd’hui, le déséquilibre foncier crée des tensions : d’un côté une pénurie de logements, de l’autre un excédent de bureaux, un sujet encore plus d’actualité lorsque la pandémie change le regard sur le télétravail … Qui dit télétravail, dit offre tertiaire superfétatoire. Qu’en sera-t-il demain ?

Anticiper les changements d’usage prolonge la durée de vie des bâtiments. La réversibilité n’est-elle pas l’avenir ?

 

 

Sources :
- « Le pari de la mutabilité », Amélie Luquain, 01/03/2021, www.lemoniteur.fr
- canal-architecture.com
- « Building D(emountable), un immeuble de bureaux démontable », ozon3, 08/04/2020, www.dailygreen.fr
- www.cepezed.nl
- « Six examples of reversible architecture and design that can be taken apart and repurposed », Marcus Fairs, 11/01/2021, www.dezeen.com
- « Les bâtiments durables réversibles sortent de terre », 08/03/2021, www.bouygues-construction.com
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