L’exploitation des coquillages dans l’industrie agro-alimentaire et l’Horeca génère beaucoup de déchets. Il n’est pas étonnant qu’en ces temps d’économie circulaire, leur recyclage soit devenu sujet d’études.

Au-delà du concassé de coquilles d’huître donné aux poules, il y a bien d’autres débouchés.

 

Ces coquilles sont constituées principalement de carbonate de calcium (CaCO3), le composant principal du calcaire, un matériau finalement très courant. Réduites en granulats ou en poudre, agglomérée ou mélangée à d’autres ingrédients, chauffée ou non, elles participent à la fabrication de :

  • pâte à porcelaine ou céramique pour la création de vaisselle, d’objet de décoration
  • matériaux alternatifs comme du faux cuir, …
  • béton utilisé dans fabrication de produits de construction

Parcours exploratoire

De la vaisselle

Le projet Shellware, né du partenariat entre les designers danois de Natural Material Studio et le céramiste Esben Kaldahl, s’est penché sur la fabrication d’assiettes et de bols à partir de carbonate de calcium cuit.

La designer anglaise Carly Breame s’est mise au défi de récupérer les déchets d’un restaurant du Kent, à savoir des coquilles de coquilles de Saint-Jacques, d'huîtres et de moules, pour réaliser des assiettes en céramique.

La startup française Alegina a intégré des coquilles d’huîtres dans sa pâte de porcelaine et produit une vaisselle de luxe.

Des objets de décoration

Dans le Finistère, deux entrepreneurs ont créé la marque Malàkio qui propose une gamme d’objets d’intérieurs (planches, dessous de plats et de verres, pots, …) fabriqués avec des coquilles d'huîtres et de Saint-Jacques. L’un des deux a été particulièrement sensibilisé à la problématique des déchets lorsqu’il a travaillé avec son beau-frère, ostréiculteur, et s’est lancé avec son ami dans cette aventure éco-responsable.

Toujours dans les poubelles d’un restaurant mais japonais cette fois, la designer suédoise Carolina Härdh a récupéré de la matière première pour fabriquer du mobilier dont un tabouret. Au menu : coquilles d'huîtres, amidon de riz et arêtes de poisson. Ces dernières, lorsqu’elles sont bouillies, produisent une colle naturelle qui agglomère le mélange.

Des matériaux alternatifs

Le designer vietnamien Uyen Tran a expérimenté une alternative au cuir qu’il peut texturer à volonté en imitation de peaux ou tout autre aspect décoratif. La matière à travailler, le TômTex, est obtenue à partir d’un mélange de broyat de coquille et de marc de café.

Dans ce second projet, japonais, initié par l'agence de publicité TBWA\Hakuhodo et le fabricant de plastiques Koushi Chemical Industry Co, des coquilles Saint-Jacques ont été mélangées à du plastique recyclé pour produire des casques « Shellmet » destinés aux pêcheurs. Petit clin d’œil : leur texture et leur forme évoquent celles d’un coquillage.

casque

Dans le cadre de la transformation des bâtiments de l’ancienne caserne Fritz Toussaint (projet USquare - Bruxelles), des coquillages ont été utilisés comme couche isolante au sol. Pour cette application, les coquilles sont utilisées entières. A noter également qu’elles assurent une isolation phonique et empêchent les remontées d’humidité capillaire. Si la solution est considérée comme durable, les coquilles sont prélevées sur les fonds marins et ne sont pas issues des déchets de l’agro-alimentaire.

Des pavés drainants

Le projet est déjà plus ancien, nous sommes en 2016 lorsque Batiactu consacre un article à des pavés drainants très spéciaux. Les chercheurs de l’Ecole supérieure d’ingénieurs des travaux de la construction (ESITC - Caen) ont mis au point une recette de béton coquillier. L’étude a commencé en 2011 avec le projet VECOP-EXP.

Le remplacement d’une partie des granulats traditionnels (de 30 à 50%) par des éclats de coquille augmente la porosité du béton, une propriété très intéressante pour optimiser la gestion des eaux pluviales. Plutôt que de ruisseler en surface et/ou directement vers le réseau d’égouttage, l’eau est retenue dans le béton et percole lentement dans le sol, le principe type d’un sol drainant idéal. Les freins mentionnés (surcoût par rapport à des pavés classiques et précautions spécifiques à la pose) n’ont pas dissuadé quelques villes de les mettre en oeuvre pour des revêtements de places et de parking, des espaces à faible charge utile. Wimereux, Caen et Nice notamment ont trouvé qu’ils étaient largement balayés par les bénéfices en termes de gestion de l’eau et de chaleur. Ces pavés ont en effet une influence positive sur les îlots de chaleur urbains.

Attention toutes les coquilles ne conviennent pas. La préférence est donnée aux Saint-Jacques dont les broyats ont la forme idéale. Les essais ont montré que les éclats de coquilles de moule sont trop fins et ceux d’huîtres trop irréguliers. Dans le premier cas, le béton est moins résistant, dans le second, la quantité de liant doit être augmentée.

Après la porcelaine, Alegina a recherché d’autres débouchés pour son recyclat de coquilles d’huître. Elle aussi a développé un prototype de pavé drainant, le pavé Vivaway à partir d’un ciment local afin de minimiser l’empreinte carbone. Toujours curieux, son directeur Philippe Gaboriau ne s’arrête pas en si bon chemin et investigue maintenant l’utilisation des coquilles en substrat de toitures végétalisées.

Des supports immergés

Deux projets français, un en Normandie, l’autre en Bretagne.

  • Normandie → Les chercheurs de l’ESITC ont aussi vu dans les récifs artificiels immergés un possible débouché pour leur béton de coquilles. Ils les ont d’abord imaginés en forme de simples blocs creux puis ont eu recours à la technologie de l’impression 3D pour fabriquer des volumes complexes afin de créer un biotope favorable au (re)développement de la biodiversité.

  • Bretagne → Le projet Forever (Flat Oyster RecoVery) vient au secours de l’ostréiculture. La population d‘huîtres plates a drastiquement diminué depuis une soixantaine d’années. En immergeant des supports de fixation, les scientifiques espèrent contrer le phénomène et relancer le développement des bancs. Les structures dont la forme s’inspire des récifs naturels sont fabriquées avec du béton comprenant plus de 30 % de granulats issus de coquilles. Le mélange est coulé dans des moules (sans vouloir jouer sur les mots).

Du carrelage

Plusieurs designers se sont lancés dans la fabrication de carrelage avec un rendu évoquant le terrazzo, un agglomérat de marbre concassé et de ciment poli à l’exemple de Sea Stone du studio sud-coréen Newtab-22. Leur pâte de broyats de coquilles mélangés à des liants naturels, polyvalente, peut aussi être utilisée pour la réalisation de vases, … Toutefois, le mélange n’est pas destiné à des ouvrages de structure. Il nécessiterait d’être chauffé à très haute température et tout le bénéfice en matière d’émissions de CO2 serait perdu.

 

Ce parcours exploratoire n’a pas la prétention d’être exhaustif mais veut simplement démontrer que des matériaux a priori inattendus sont tout à fait capables d’intégrer des circuits d’économie circulaire dans la construction. La notion est transversale et ouverte sur d’autres secteurs.

Quels autres exemples connaissez-vous ? Des coquilles d’oeufs ?

 

 

Sources :
- « Eight innovative materials and products made from salvaged seashells », Jane Englefield, 10/01/2023, www.dezeen.com
- « Upcycling : des coquillages transformés en objets design », Christiane Oyewo, 02/01/2021, www.linfodurable.fr
- « Les huîtres contre l’imperméabilisation des sols », La Rédaction, 23/06/2022, lumieresdelaville.net
- « Une entreprise anversoise isole les sols des bâtiments de l’ancienne caserne Fritz Toussaint avec… des coquillages », Joaquim Dupont, 08/02/2023, www.circubuild.be
- « Un pavé drainant à base de… coquilles Saint-Jacques », Grégoire Noble, 09/12/2016, www.batiactu.com
- « Recycler des coquillages », 15/09/2022, www.lejournaldelarchitecte.be
- « Du béton coquillier pour sauver les huîtres plates bretonnes », R.D., 13/03/2019, www.batiactu.com
- « Newtab-22 uses seashells to develop concrete alternative », Lizzie Crook, 29/04/2020, www.dezeen.com
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