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Le pont médiéval de Toulon-sur-Arroux est idéal pour inaugurer une série d’articles sur les ponts. Il nous parle de terre et de légende, de pierre et d’eau, de passé et d’avenir.

Ecoutez ses histoires ...

Une histoire de conteurs

Les anciens les racontaient à la veillée ... des histoires de pacte et de diable.

Le diable a toujours été très actif dans la construction et tout aussi souvent marri.

Chaos-granitique-La-Griffe-du-Diable-Uchon-by-LeMorvandiauA Toulon-sur-Arroux, un maçon désespéré lui promet sa fille en échange de son aide pour terminer l’ouvrage dans les délais. Le Malin se réjouit de l’aubaine. Transporter une énorme pierre, celle de la clé de la dernière voûte de la dernière arche du pont, est pour lui tâche aisée. L’amoureux de la demoiselle ne l’entend pas ainsi. Toute la nuit, il lutte contre le démon dans la forêt voisine à Uchon. Des traces de griffes diaboliques sur la roche en témoignent encore aujourd’hui. Jugez-en vous-même ! Le soleil se lève. Trop occupé au combat, le diable n’a pu livrer la pierre promise. Le contrat est rompu, la belle sauvée !

L’écrivain conteur Henri Gougaud aurait pu collecter cette légende lors de ses recherches sur la mémoire collective. Celle-ci ou peut-être une autre ? Il est aussi question du pied fourchu de la bien-aimée d’un seigneur local. La faire traverser l’Arroux à gué aurait dévoilé un bien sombre mystère. La construction d’un pont était une solution plus avisée. Le secret fut pourtant éventé !

Pierre ou pied, le pont, lui, est devenu pour toujours le ... Pont du diable !

Une histoire de bâtisseurs

Le site est un lieu de vie et de passage très ancien. La construction du pont au XIIe siècle s’inscrit tout naturellement dans l’essor que connaît le réseau carrossable à l’époque médiévale. Avec l’amélioration logistique de la circulation des hommes et des marchandises, une véritable dynamique apparaît dans les échanges commerciaux.

13 travées et 140 m de longueur : l’ouvrage est respectable, un très bel exemple du savoir-faire des bâtisseurs, avec ou sans diable.

Le bois et la pierre resteront pendant longtemps encore des matériaux de prédilection pour la construction des ponts. Il faudra attendre le XIXe siècle avec l’avènement de l’acier, du béton armé et le XXe siècle, ses bétons spéciaux et matériaux composites, pour voir apparaître des formes innovantes. La technologie de cet ouvrage d’art est en effet intimement liée axu matériaux qui le composent et aux méthodes de calcul.

Comment a été construit le pont sur l’Arroux ?

Les méthodes constructives des ponts de pierre ont peu évolué à travers temps. Cette animation 3D (notez au passage la technique très contemporaine au service de l'ancienne) retrace, étape par étape, la construction du pont Charles à Prague au XIVe siècle. Ce pont de 16 arches est nettement plus long (515,76 m) et son chantier a duré presque 50 ans.

Le processus qu’elle décrit peut être considéré comme représentatif des techniques utilisées pour le pont sur l’Arroux. Le choix s’est porté sur la pierre pour résister aux fortes crues de la rivière mais la chance des bâtisseurs de Toulon-sur-Arroux est qu’en période d’étiage les implantations de certaines semelles sont émergées.

L’exploration des techniques anciennes est riche d’enseignements. L’ingéniosité et l’inventivité des constructeurs d’hier ne cesseront jamais de nous étonner, d’autant plus que les disponibilités en forces motrices étaient réduites (vent, eau, animal, homme). Le chantier école du château de Guédelon, positionné sur la ligne du temps au début du XIIIe siècle (soit juste une centaine d’années plus tard) en est aussi une excellente illustration, du gros-oeuvre aux finitions.

 

Une histoire de terroir

Nous l’avons croisé au hasard d’un retweet. @paysanheureux est un homme du terroir, un agriculteur aujourd’hui pensionné, profondément amoureux de sa région, la Saône-et-Loire. Il tient un blog et y partage son quotidien, ses coups de sang, ses espoirs, ses aventures, des photos, …

Avec ses collègues, il discute de sujets bien d’actualité. Pour n’en citer que quelques-uns :

  • les néo-ruraux;
  • l’aménagement du territoire;
  • la préservation du patrimoine;
  • l’influence des pratiques agro-pastorales sur le paysage;
  • l’impact des législations nationales ou européennes sur la vie rurale, la gestion de l’eau, …

Autant de thématiques qui, de près ou de loin, ont un rapport avec le vaste domaine de la construction, une vision pragmatique, celle d’un homme de terrain.

C’est lui qui nous a fait découvrir celui de Toulon-sur-Arroux … et il vaut bien un article à lui tout seul.

Rechercher les photos du pont nous a emmené à la découverte de ce petit village de 1600 âmes, son ancienne église romane, quelques très vieilles maisons, ses chemins de randonnées, et même un énorme châtaignier que Monsieur le Préfet a honoré d’un tweet. Un autre compte intéressant qui dévoile régulièrement de véritables pépites patrimoniales.

Et si vous prévoyez d’y faire un séjour, sachez qu’à côté des traditionnelles maisons d’hôtes, un parc de loisirs y propose, pour une nuit, des hébergements insolites.

 

Une histoire d’espoir

Autre photo du pont. 2013. L’Arroux est en crue. Comparez-la avec celle d’introduction.

paysanheureux 2013 arroux en crue

Ici, l’Arroux s’étale, se gonfle. Il s’en faut de peu que l’eau n’atteigne le tablier. Ce n’est plus une histoire de pont mais une histoire d’eau. Parler de l’eau c’est comme ouvrir une boîte de Pandore : dérèglement climatique, catastrophe naturelle, pollution, privatisation, artificialisation, …

L’eau est une ressource rare, précieuse, stratégique.

Laissons la parole à notre agriculteur : « A propos d'eau, ma ferme a appartenu à l'époque de la construction du pont, aux moines de Cluny, tout comme le pont. Il reste des traces de travaux hydrauliques conséquents ! La gestion de l'eau a toujours été au cœur des préoccupations de toutes les civilisations. »

Sans eau pas de vie, elle compose environ 60 % de notre corps et en assure les besoins fondamentaux. Alors non, l’eau n’est pas qu’une calamité, elle est ce que les hommes en font.

Si certains spéculent et gaspillent, d’autres y voient la source de tous les espoirs : hygiène, thermalisme, épuration, irrigation, hydro-énergie, confort, bioclimatisme, …

De tous temps, l’eau a intégré l’architecture, elle y coule, la porte, joue les muses. Venise et Bruges sont toujours des hauts lieux du tourisme. Les cités flottantes de Vincent Callebaut en font rêver plus d’un.

Les scientifiques travaillent sans relâche pour en améliorer la gestion, développer des solutions innovantes à l’attention de ces millions de personnes qui n’y ont qu’un accès limité voire aucun. Prenons l’exemple de cette étudiante en architecture. Inscrite à un programme résidentiel du Centre technologique Autodesk à Boston, la libanaise Yasmina El Helou s’est penchée sur la condensation de brouillard dans des dalles de béton poreuses pour envoyer l’eau ainsi récoltée vers un réservoir.

Parler de l’eau, c’est aborder un sujet de veille complexe, vivant, évolutif et il faut plus qu’un paragraphe pour évoquer une telle histoire !

Ne parlions-nous pas plutôt d’un pont ? Le beau pont de Toulon-sur-Arroux !

 

 

 Sources :
- www.toulon-sur-arroux.fr
- « Le pont du diable à Toulon sur Arroux et la griffe du diable à Uchon. », E. Fyot, www.toulon-sur-arroux.fr
- paysanheureux.canalblog.com
- www.divertiparc.com
- « Quatre jeunes architectes trouvent des solutions de gestion de l’eau à contre-courant », Matt Alderton, 18/02/2020, redshift.autodesk.fr
Crédit photos  (leur utilisation n'engage en rien les auteurs sur un soutien ou un entérinement éventuel du contenu de l'article) :
- le pont de Toulon-sur-Arroux : © paysanheureux, avec l’aimable autorisation de l’auteur. 
- « Chaos granitique "La Griffe du Diable" sur le site d'Uchon (Saône-et-Loire - France) », LeMorvandiau, 16/07/2012, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported licence, commons.wikimedia.org