Après les matériaux et les fonctions, il est temps de parler forme. Certains ponts sortent des sentiers battus. Leurs concepteurs jouent à raconter l’histoire, créer des légendes, faire vivre une expérience, matérialiser le dynamisme. Tous ont en commun de surprendre.

En voici une infime sélection.

Un pont épée

En mémoire à la découverte et la colonisation de l’Islande par les Vikings au IXe siècle, un pont a été construit à l’ouest de l’île sur le fjord Kolgrafafjörður, opérationnel depuis 2004.

Quel rapport entre le pont et l’hommage ?

La jetée qui s’élance dans le fjord ressemble à une épée. L’évocation ne manque pas d’humour, son attrait touristique est une réussite.

Certains, plus prosaïques, verront dans la « garde » une digue de protection de la longue avancée vers la culée. L'article se poursuit sous le tweet.

 

Un pont doré

Il est situé près de Da nang (Vietnam). Inauguré en juin 2018, après moins d’un an de travaux, il a été conçu par le bureau paysagiste TA Landscape Architecture.

Le « Pont doré » se veut un fil d’or tendu entre les deux mains gigantesques qui n’ont pas manqué d’attirer l’attention sur les réseaux sociaux. La finition du tablier et les garde-corps en acier inoxydable de couleur dorée semblent d’or pur. La zone de circulation est en bois.

Bien que les mains monumentales paraissent porter la passerelle, leur rôle est uniquement décoratif et symbolique. Structurellement, le tablier est soutenu par une série de colonnes bien visibles, en 8 travées. Deux d’entre elles traversent les paumes.

Ces mains sont construites en fibre de verre et béton sur treillis métallique, le tout reposant sur des supports en acier. Leur finition est volontairement patinée pour évoquer la pierre ancienne. Les mousses et fissures complètent l’illusion de l’âge. Elles surgissent du flanc de la colline et d’anciennes légendes invitent à croire qu’elles sont celles d’un dieu.

Le pont surplombe le paysage boisé du Mont Ba Na. Il offre une vue panoramique aux visiteurs qui parcourent cette courbe de 150 m de longueur sur 5 m de largeur, à finalité uniquement touristique.

L’objectif est atteint. Le site est devenu aujourd’hui un des hauts lieux du tourisme vietnamien. Qui n’aurait l’envie de marcher en de si bonnes mains ?

 

Un pont immergé

Ce pont pour cyclistes et piétons est aussi une des expériences insolites initiées par la Fédération du tourisme limbourgeois. Et ce n’est pas pour rien que certains qualifient ce type d’ouvrage de « Pont Moïse » ou « Pont Vél’eau ». Toerisme Limburg a préféré « Traverser l’eau à vélo à Bokrijk »  Au contraire d’un pont classique, il s’enfonce sous le niveau de l’eau, ici d’un étang, pour le traverser. L’eau affleure la rambarde. Plongez-y le bout des doigts ou, en vélo, regardez-la dans votre ligne d’horizon. La sensation est juste extraordinaire.

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Cet ouvrage conçu, en interne, par et pour la Province de Limbourg (Toerisme Limburg) est situé dans le domaine de Bokrijk et plus précisément dans la réserve des Wijers, dite « Pays des 1001 étangs ». Le parcours, long de plus de 200 m sur 3 m de largeur, s'est ouvert en avril 2016 et, depuis, a fait le bonheur de milliers de visiteurs. La famille royale belge l’a elle-même emprunté en juin 2020 lors d’une sortie en vélo pour soutenir le tourisme.

L’implantation n’est pas due au hasard. Les concepteurs ont profité d’un chemin existant, ils en ont « simplement » abaissé l’assisse de 2 mètres ! Pour éviter que la fouille ne se remplisse d’eau et le pompage lourd et/ou les protections imperméables, ce sont les étangs voisins qui ont été vidés.

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Vu la date d’inauguration et compte tenu des conditions climatiques prévisibles, l’option « préfabriqué » a été préférée. Le béton a été retenu pour résister à la poussée de l’eau.

Les éléments de soutènement en L ont donc été fabriqués en usine. Ils sont les plus grands possible (min 6 m) afin de limiter le nombre de joints et sont munis de barres d’attente pour le bétonnage des liaisons in situ. L’étanchéité finale est assurée par une membrane en caoutchouc tout autour de l’ouvrage, y compris au niveau de tous les accessoires qui ont dû être vissés. La revue Béton (voir sources) a consacré un article au chantier que vous pouvez consulter ici. Il est intéressant de faire le parallèle avant - après avec la première photo.

Déjà multiprimé, il a été repris par le Time Magazine en 2018 dans sa liste des 100 destinations remarquables.

 

Autre lieu, autre technique.

Un pont incrusté dans l’eau existe aussi aux Pays-Bas, à Halsteren. L’objectif principal n’est pas ici de faire vivre une expérience inédite mais de dissimuler au regard la passerelle qui traverse des ouvrages historiques défensifs, des douves, pour ne pas perturber le paysage. Les escaliers d’accès en rendent l’usage uniquement pédestre.

Conçu par le bureau d’architecture RO&AD Architecten, il a été réalisé en Accoya®, un bois dont la structure moléculaire a été modifiée par traitement à base de vinaigre - anhydride (acétylation).

 

  

Un pont bonheur

La collaboration entre les équipes chinoises et néerlandaises du bureau NEXT a été payante et a permis une fois de plus à NEXT de remporter un concours pour la construction d’un pont, cette fois celui de Changsha. Chacune a épaulé l’autre de ses connaissances, du contexte local pour l’une, des infrastructures pour l’autre.

Voici donc « Lucky Knot », une passerelle piétonne située à Changsha (Chine). 185 m de long, 24 m de haut, jusque là rien d’extraordinaire sauf …son design! Elle se déroule comme une racine ou un ruban pour relier les différents niveaux d’une rivière, d’une route, d’un parc en interconnexions multiples.

La Ville de Changsha s’agrandit rapidement. L’ambition de ce projet phare est de faire du pont l’interprète de ce déploiement spatial dont la complexité évoque pour les concepteurs le ruban de Möbius et l’art ancien des nœuds. L'art traditionnel chinois où le nœud symbolise la chance et la prospérité lui a d’ailleurs inspiré son nom de « Noeud porte-bonheur ».

 

Ce pont d’acier construit en 2016 a très vite été considéré comme spectaculaire et CNN l’a classé au rang des projets iconiques. Non seulement il est spectaculaire mais

  • il offre une vue panoramique sur l’environnement : la rivière Dragon King Harbor le lac Meixi, la ville de Changsha et la chaîne de montagnes proche;
  • la nuit, il est mis en valeur par une féerie lumineuse à base de LED.

 

Un air de famille ?

  •  Ces nombreux escaliers ne sont pas sans rappeler Vessel, le labyrinthe new-yorkais au 2500 marches.

The-Vessel-Hudson-Yards-New-York-City-by-Stefan-Kemmerling

  • Dans le parc naturel de Shenxianju, toujours en Chine, un pont ruban ondulant (nettement plus simple) a été inauguré en septembre 2020. Pour une longueur de 100 m à 140 m de hauteur, il se décompose en 3 passerelles dont une avec un plancher de verre.

 ... A suivre ...

 

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Sources :
- « Le tourisme scandinave sur les traces des Vikings », La rédaction, 18/09/2020, www.easyvoyage.com
- « Two giant hands hold up Golden Bridge in Vietnam », Tom Ravenscroft, 09 /08/2018, www.dezeen.com
- « Traverser l'Eau à vélo à Bokrijk », www.visitlimburg.be
- « La famille royale en balade cycliste à Bokrijk - vidéo », Belga, 27/06/2020, www.lesoir.be (contenu et vidéo)
- « Du vélo « dans » l’eau – Une piste cyclable innovante avec des éléments de soutènement », Béton n °233, septembre 2016, FEBE, pages 24-26, www.febe.be
- « Moses Bridge / RO&AD Architecten », Fernanda Castro, 09/08/2020, www.archdaily.com
- « Lucky Knot / NEXT architects », Julio Effa, 16/01/2021, www.archdaily.com
- « Newly opened bridge in Shenxianju », 18/11/2020, www.ezhejiang.gov.cn
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→ introduction (illustration prétexte) : pixabay.com (CC0 Public Domain - Libre pour usage commercial - Pas d'attribution requise)
→ « Traverser l’eau à vélo à Bokrijk » : © Toerisme Limburg / visitlimburg.be avec leur aimable autorisation
→ The Vessel : « The Vessel, Hudson Yards, New York City », Stefan Kemmerling,06/06/2019, Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license, commons.wikimedia.org